Dix histoires drôles sur la connerie de la guerre
Dix histoires drôles sur la connerie de la guerre

Spectacle de la Cie du Capitaine (34), vu au théâtre Gérard Philipe, Montpellier (34), le 14 Mars 2015, 21h

Ecriture et mise en scène: Julien Masdoua

Avec: Marion Trintignant et Julien Masdoua

Musique: David Rigal et Robert Tousseul

Genre: Théâtre

Durée: 1h30

Public: Tous dès 12 ans

Création 2006

Le titre annonce le thème et le style : soit, en dix sketches, l'absurdité de la guerre, où l'adjectif "drôle" se décline sous toutes ses significations, jusqu'au renversement en son contraire, "pas drôle du tout". Vues à travers les prismes de l'armée, des enfants, des politiques, etc., voilà, saisies à vif, dix tranches de vie qui flirtent avec la mort. Ce reporter, ces gradés ou ces soldats, cette réfugiée et son bébé, cette prisonnière et son tortionnaire, ces dirigeants cyniques, ces enfants joueurs, tous nous rappellent ce que nous croyons savoir de la guerre et de son bruit de fond auquel nous nous habituons... L'angle humoristique délibérément choisi par la Cie du Capitaine amplifie les ambiguïtés et les contradictions de questions telles que le droit de tuer, le pacifisme, la torture...

En amont de la création du spectacle, J.Masdoua a collecté de nombreux témoignages lors de rencontres et d'entretiens (ONG, associations), en retenant situations ou détails qui donnent son expression de vérité au spectacle. L'auteur ne recule pas devant des scènes très fortes où l'absurde sert de miroir grossissant au cynisme, à la bêtise, à l'iniquité, à la cruauté. Mais il arrive qu'un soupçon d'empathie affleure sous la cruauté imposée par "les règlements". Alors un soldat trouve une issue à ses contradictions ou un tortionnaire sombre dans le non-sens. Il n'y a ni apitoiement ni manichéisme, mais de la complexité, des hésitations, des revirements souvent sources de cocasserie. De là émerge l'étrange, et souvent bienfaisante, drôlerie du spectacle. Le texte est percutant grâce à sa grande concision, et crée du sens avec de véritables collisions verbales, comme dans cette expression "ex-tués et à tuer" définissant les soldats ou dans ce "fun de la guerre" qui anime un enfant soldat. J'ai ri... le public a ri... rire franc déclenché par l'absurdité, rire jaune devant la bêtise, rire "sombre" de dérision, et de nombreux silences sous l'impact de cette démonstration réussie. La fin du spectacle laisse perplexe sur l'avenir de la paix.

A un très bon rythme, les comédiens endossent des personnages typés et contrastés. Déplacements, gestuelle et voix donnent leur poids de réalité aux différents sketches. Tous deux expriment avec justesse cette "drôlerie" décalée des tragédies humaines, jusqu'à la plus sinistre bouffonnerie comme lorsqu'au milieu du spectacle un gradé s'adresse au public. Le ton reste toujours juste, en tension entre l'absurdité comique et la monstruosité. Bravo ! Musique, lumières et costumes participent à la réussite du spectacle.

Oui, on peut rire de la c... de la guerre. Oui, on peut en rire sans pour autant la transformer en farce ou en plaidoyer. Ce spectacle n'est ni antimilitariste ni de propagande. Fondé sur du vécu, il prend de la hauteur, donnant ainsi une belle démonstration de la liberté et de la puissance de la création artistique. Tous publics, évidemment !

Catherine Polge

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