Duende Flamenco
09 avr. 2015Spectacle de la Cie du Visage (34), vu au Carré Rondelet, Montpellier (34), le 18 Déc.2014, 19h.
D'après une conférence de Federico Garcia Lorca (1933) "Jeu et théorie du Duende"
Lecture, adaptation, mise en scène: Avner C.Perez
Chorégraphie, chant, interprétation: Julie Sapy
Accompagnement musical: Michael Perez
Genre : Danse, chant, narration
Public: Tous à partir de 15 ans
Durée: 1h
Création 2014
Salle comble au Carré rondelet (50 pers.), dans une ambiance rouge et noire. Qu'est-ce que "le Duende" ? Avant ce spectacle, ce mot intraduisible m'évoquait Espagne, douleur, flamenco, corrida. Après le spectacle, je vois un mouvement jaillissant des tréfonds, jamais identique, toujours flirtant avec des limites. F.Garcia Lorca parle d'un Duende qui "brûle le sang comme une pommade d'éclats de verre" et d'où surgit la véritable création artistique. Cette source d'inspiration a peu à voir avec l'ange ou la muse. C'est une lutte, c'est le spectacle de la mort, c'est la danse qui monte par les pieds, ce sont des "sonorités noires" et du sang... La mise en scène d'un tel texte est un défi.
Magnifique ! Un tourbillon de beauté ! Voilà en fait une magistrale démonstration du Duende, avec une montée en puissance jusqu'à la fin. Les langues espagnole et française sont alternativement employées, ce qui accentue l'intensité du propos en l'ancrant dans ses origines. Le récitant (A.C.Perez) transmet les paroles de Garcia Lorca avec émotion et force. J.Sapy, excellente, joue, danse et chante et M.Perez improvise sur guitare électrique et percussions. Mots glissés ou scandés, gestes souples ou violents et sonorités diversifiées se stimulent, se répondent. De très beaux chants, des bruits de bouche, des improvisations musicales et percussions corporelles surprennent et fascinent. Vêtue de différents costumes au fil du texte, J.Sapy joue de très beaux personnages, interprète les mots avec son corps et ravive leur force. Ondulante pour le "noir" elle frappe du pied. Lorsque l'homme lutte avec son Duende, elle revient, provocante dans ses volants, regard tendu. Et voilà le Duende - flamenco dans sa violence: ses escarpins roses posés sur un "autel" rouge, Julie danse pieds nus, tourne bras écartés, découpe l'espace avec son corps, follement accompagnée de percussions et guitare. Le chant sort comme un flot de sang. Lorsque toute vêtue de noir elle danse la mort sur un flamenco électrique très original, c'est d'une force inouïe. La création artistique triomphe et ce très beau spectacle se clôt sur deux voix accompagnées par la guitare. Ovations du public.
Véritable incarnation d'un texte difficile, intense et passionné, "Duende Flamenco" ouvre des perspectives lumineuses sur l'art. L'emploi épisodique de la langue espagnole ne nuit pas à la compréhension, au contraire. Tout public attiré par la danse et les expressions de la passion peut apprécier ce spectacle. Quant aux spectateurs avertis ou hispanophones ils y retrouveront en outre la force de Garcia Lorca.
Catherine Polge