Semianyki Express
Photo : P. Avenet
Photo : P. Avenet

Spectacle de la compagnie Teatr Semianyki, vu au Théâtre du Rond-Point (75), le 20 juin 2015

Conception : Teatr Semianyki

Mise en scène : Yana Toumina

Interprétation : Olga Eliseeva, Alexander Gusarov, Marina Makhaeva, Kasyan Ryvkin, Elena Sadkova, Yulia Sergeeva

Genre : Clown

Public : Tout public à partir de 7 ans

Durée : 1h15

La troupe mythique est de retour avec un nouveau spectacle ! Vos ados qui ont été biberonnés aux Semianyki trépignent d’impatience. La déception - du moins la vôtre - est à la hauteur du souvenir impérissable qu’ils vous avaient laissé. Certes, le défi était difficile à relever. Et on leur concède le courageux effort d’avoir cherché à se renouveler. D’autant plus que le sujet est bien moins universel que celui de la famille : il s’agit ici de nous embarquer dans une sorte d’Orient Express mythique.

Le train est symbolisé par une allemande, la gare par un lampadaire soudé à un chariot de gare et doté d’une horloge. En arrière-plan, une énorme tenture verte, froissée à la façon d’un vieux rideau XIXème, dispose d’une fenêtre pour ouvrir sur d’autres horizons. Dans ce décor, les six comédiens tentent de nous raconter la vie à l’intérieur du train du point de vue du personnel de bord : le chef de gare hargneux, le barman séducteur, trois femmes de chambre rivales et une femme de ménage, avatar moderne de Cendrillon. On retrouve les cinq clowns fondateurs des Semianyki, à commencer par l’incroyable Olga Eliseeva (la mère). Mais là où chacun avait son numéro qui révélait au public l’étendue de son talent, on ne retrouve ici que la virtuosité hors norme d’Olga Eliseeva. Quoi qu’elle fasse, qu’elle bouge un œil, la bouche ou son imposant fessier, elle nous ravit et ce dans tous les personnages qu’elle incarne. Car en plus de jouer un rôle fixe, les six comédiens incarnent tour à tour les différentes figures du voyageur : les vieilles rombières en croisière et qui se crêpent le chignon, la diva en déplacement, l’aviateur aventurier qui croise la route d’une belle bourgeoise esseulée. Il y va un peu comme du théâtre de boulevard, avec un je-ne-sais-quoi de suranné et de figures imposées. Et on s’ennuie.

Bienveillant, on pourrait voir dans cet ennui nostalgique une référence à l’univers de Tchekhov. Mais il traduit simplement, à mon avis, un spectacle qui ne trouve pas son rythme. Les séquences s’enchaînent, surfaites et artificielles, entre cabaret et cinéma muet, saturées de musique pour mieux masquer le vide du propos.

Trois scènes échappent à ce fiasco. La première convoque deux spectateurs - un homme et une femme - choisis au hasard dans le premier rang du public et que notre personnel de bord s’ingénie à marier. L’une de leurs tentatives consiste à leur préparer un dîner aux chandelles. Puis survient Olga Eliseeva, déguisée en cuisinier fou. Elle nous livre alors un numéro hallucinant tout en hommage - assumé - à Charlot. La troisième scène haute en couleur est le mime d’un numéro de patins à glace entre la même Olga et celle qui jouait autrefois le rôle du bébé. Dans ces trois scènes, les Semianyki nous montrent qu’ils n’ont rien perdu de leur art. On regrette seulement qu’ils se soient égarés.

Ce n’est pas que le spectacle soit mauvais. Ils sont trop bons comédiens pour cela. C’est juste décevant. Nous assistons en fait à une sorte de divertissement international du genre du "Slava’s Snowshow" du Théâtre Licedei et dont la troupe est issue. C’est bien fait mais sans âme. Ce n’est que lorsque la troupe s’affranchit des exigences de la superproduction qu’ils redeviennent ce pour quoi on les a tant aimés. Le spectacle est jeune et manifestement en cours de rodage. Pourvu qu’ils le réorientent vers cette authenticité qui fait leur force.

Catherine Wolff

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