Andromaque
Andromaque

Présent sur le Off 2015, Spectacle de la Compagnie Viva (78), vu au Théâtre de l’Oulle, Avignon, à 16h45, le 09/07/2015

Mise en scène : Anthony Magnier

Interprétation : Pauline Bolcatto (Hermione), Moana ferré (Andromaque), Nathalie Lucas (les confidentes), Anthony Magnier (Pyrrhus), Julien Saada (Oreste)

Genre : Théâtre

Public : Tout public à partir de 14 ans

Durée : 1h35

C’est à une mise en scène recentrée sur les trios amoureux que nous invite Anthony Magnier. Le contraste entre l’intensité des passions et du jeu et la froideur du décor fait apparaître la force du verbe et des enjeux tragiques voulus par Racine.

Cinq comédiens occupent un décor minimaliste et qui désigne habilement trois espaces. En arrière-plan, un cyclo qui envoie des flashes suggère la guerre de Troie. La bande centrale du plateau, baignée d’une lumière froide et parfois habitée de mannequins, dessine le cercle du pouvoir. Enfin, l’avant-scène, souvent plongée dans la pénombre, est le lieu de l’intime, du dilemme cornélien qui oppose passion et raison d’Etat. C’est donc essentiellement par un jeu de lumière et de pendrillonage que l’espace de la tragédie prend forme.

Pour rappel, « l’action d’Andromaque se situe aux lendemains de la Guerre de Troie ». Pyrrhus, vainqueur, doit épouser la grecque Hermione mais tombe amoureux de la captive Andromaque dont il a tué l’époux, Hector. Pour Andromaque, Pyrrhus est prêt à renoncer à tous ses devoirs d’homme d’Etat, à commencer par son mariage avec Hermione.

L’Andromaque d’Anthony Magnier privilégie la mise en scène de l’humain. C’est pourquoi, chaque scène est coupée de la suivante par un noir qui sert moins à changer le décor qu’à mettre en exergue ce qui vient de se jouer, à en augmenter l’intensité dramatique. Par ce procédé, il s’agit aussi de dessiner des tableaux d’une grande efficacité plastique. On retiendra par exemple la première apparition d’Hermione, assise sur le rebord d’une baignoire bouillante, devisant avec sa confidente, tandis que dans une lumière froide et trouble, un mannequin, telle une sculpture antique, habille la scène. Dans ces espaces presque fantomatiques, la direction d’acteurs est essentielle. Pyrrhus (Anthony Magnier) offre une prestation époustouflante. Eperdu d’amour, il est tantôt d’une folle tendresse, tantôt d’une dureté glaçante. Hermione (Pauline Bolcatto) a une palette de jeu comparable, entre l’amoureuse un peu naïve qui veut croire à sa chance et l’amante blessée avide de vengeance. A part Nathalie Lucas qui parvient à donner une individualité à tous les confidents qu’elle incarne (Céphise, Cléone, Pylade et Phoenix), je regrette que les autres comédiens ne soient pas à la hauteur de l’enjeu, en particulier Oreste (Julien Saada) qui gesticule beaucoup sans que sa voix soit en accord avec son jeu. La scène où les pendrillons le zooment dans une crise d’hystérie frise le pathétique alors qu’Hermione, dans une configuration analogue et par la puissance de son jeu, sort la tête haute de l’exercice.

Hormis cette faiblesse, c’est un spectacle franchement efficace. La parole de Racine est bien portée, les enjeux passionnels nous émeuvent comme si le discours était contemporain ; le tout dans une belle économie de moyens. Un beau spectacle pour initier et faire aimer un texte du répertoire.

Catherine Wolff

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