Rimbaud en morceaux

Spectacle de la Compagnie Beau Parleur (30), vu au Théâtre du Verbe Fou, Avignon Off 2016

D'après l’œuvre d'Arthur Rimbaud

Adaptation, interprétation : Jean-François Homo

Direction d'acteur : Christiane Marciano

Voix off : Romain Isoard

Composition électro-pop/effets sonores : OMOH (Baptiste Homo, Clément Agapitos)

Genre : Théâtre musical

Public : Adultes, jeunes dès 13-14 ans

Durée : 55 min

Création 2016

A l'aube de Mai 68, Jean-François Homo adolescent découvre le désir de liberté et de contestation. Pour ce jeune en révolte, les écrits de Rimbaud ouvrent la voie. Il quitte sa famille et prend la route avec le désir de monter sur les planches et de mener une vie d'artiste. Installé à Nîmes, il crée après Les amuseurs publics associés (années 80), la Compagnie Beau Parleur composée d'artistes professionnels et de bénévoles, amateurs de théâtre. Création théâtrale, action culturelle à l'écoute de son temps... J.F.Homo assume la responsabilité artistique et la coordination. Actions de proximité, formation aux pratiques artistiques, travail avec les scolaires, la compagnie joue pleinement son rôle de tisseur de liens au quotidien. En 2016, elle vient de fêter ses 25 ans.

Seul en scène tout de noir vêtu, avec une malle, une corde et un gouvernail pour seul décor, Jean-François Homo nous résume l'itinéraire de vie du poète à l'âme tourmentée. Pour cette introduction la voix de Romain Isoard l'accompagne (Rimbaud en voix off) et déclame sur des fragments musicaux (groupe OMOH). Au fil du spectacle, Jean-François à la fois lecteur, témoin, interprète, navigue entre œuvre et vie, plonge, s'identifie, refait surface, porté par la transcendance rimbaldienne. Révolte, colère, paroles visionnaires... Cette interprétation innovante n'est pas sans me rappeler Léo Ferré, seul en scène. Force, puissance, délire des mots, des passages périlleux, attention ça tangue !

Tout en respectant une chronologie tant biographique que dramatique, le comédien metteur en scène choisira de garder dans leur intégralité : "Sensation" (mars 1870) et "Saison en enfer" (avril-août 1873), notons que le batteur Gael Galzin intervient en soutien avec du slam sur cette saison-là. Sur le pont, parmi cette poésie qu'il connaît par cœur, Jean-François a découpé patiemment, et sélectionné avec l'irrésistible désir de dire ; pour lui il s'agit d'un retour aux sources. Sous l’œil complice et avec la collaboration artistique de la danseuse-chorégraphe Christiane Marciano, avec les collaborateurs, amis de toujours, Carlos Moreno aux lumières et Albin Fontalba en régie, cet "OPNI", Opus poétique non identifié, entre théâtre et récital, slam et monologue, voit le jour.

Prise de risque, avidité d'expériences de toutes natures, cette création constitue une adaptation contemporaine d'une originalité pertinente. L'acteur à l'âme rimbaldienne est comme soulevé, les mots, les phrases s'en trouvent puissamment éclairés, soulignés. Les options musicales contribuent à faire ressentir au spectateur les paroles visionnaires du poète, cet état de dérèglement en tous sens jusqu'à tutoyer la folie, et passer une "saison en enfer". La puissance des mots est amplifiée par un accompagnement musical actuel et innovant. Pour cette création musicale spécifique, Clément Agapitos et Baptiste Homo (fils de J.F.Homo) ont déstructuré et remodelé l'instrumentation d'une piste musicale appelée "Tequila Sunrise". Ce duo compose le groupe OMOH, largement salué par la critique, en 2013, comme la prochaine sensation french pop.

La poésie de Rimbaud préfigure le surréalisme, révolté qu'il était par l'état du monde d'alors ! Bravo à Jean-François Homo, magistral dans ce solo. Toute sa sensibilité est à la hauteur du verbe et tout son être, sa voix, sert la beauté, la révolte et la liberté. Donner vie à l’œuvre de Rimbaud ainsi, constitue un engagement solidaire et tolérant vers et pour chacun(e) d'entre nous.

Parents, professeurs, amis des poètes, lieux de transmission, ce spectacle constitue une excellente façon de faire découvrir ou retrouver l’œuvre de Rimbaud savamment dépoussiérée, sa rage de vivre, d'écrire, sa soif de liberté.

Lydie-gisèle Brogi

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