Bérénice

 

Photo: Elisabeth Carecchio

Un spectacle produit par le Centre dramatique de Besançon Franche-Comté, vu le 18 mai 2018 à l’Odéon, ateliers Berthier (Paris 17e).

Mise en scène : Célie Pauthe
Comédiens : Clément Bresson, Marie Fortuit, Mounir Margoum, Mahshad Mokhberi, Mélodie Richard, Hakim Romatif

Genre : Théâtre
Public : Adulte
Durée : 2h15

Quand votre ado de 17 ans vous supplie d’aller voir des classiques, c’est totalement irrésistible. Voilà qui tombait bien. Célie Pauthe montait "Bérénice" à l’Odéon, aux ateliers Berthier. Nous sommes donc allées à la découverte de sa proposition.

Célie Pauthe signe une mise en scène élégante, originale dans sa forme mais quelque peu décevante dans son jeu. 

La mise en scène décale, avec une grande délicatesse, l’unité de temps et de lieu pour mieux nous faire entendre la portée universelle et résolument moderne du texte. Pour relever ce défi, Célie Pauthe a travaillé trois axes : le texte, la scénographie et les costumes.

L’originalité du projet réside sans conteste dans l’insertion d’autres matériaux  au cœur même du texte de Racine. Le spectacle s’ouvre par une projection d’un petit résumé du fait historique suivi d’un extrait du court métrage de Marguerite Duras, "Césarée". Tels des intermèdes, ces extraits s’invitent régulièrement au cours du spectacle et fonctionnent comme un chœur antique : la voix chaude de Marguerite Duras, son style répétitif et les images non moins obsessionnelles interrogent encore et encore l’affront fait à Bérénice, reine de Judée, promise à l’empire par Titus et finalement répudiée pour raison d’Etat ; les Romains ne pouvant se résoudre à accepter en leur sein une reine. De 79 ap. JC à aujourd’hui, en passant par le XVIIe, le comment du pourquoi, l’abandon et l’injustice résonnent toujours !

Deux autres ajouts s’invitent dans le texte et ne font pas moins sens. Ainsi, lorsque Bérénice apprend sa répudiation elle se met à échanger avec Phénice, sa confidente-nounou, en hébreu, comme si seul le retour à la langue maternelle pouvait exprimer la déchirure. Dans une belle réciproque, Antiochus, l’amoureux éconduit, récite "Recueillement" de Baudelaire. La douleur ainsi dite paraît toute naturelle, sans heurt avec le texte de Racine.

La scénographie opère ce même entre-deux. Le décor est fixe, comme il convient à l’unité de lieu, mais ce qui est donné à voir est comme mouvant. Deux allemandes blanches incurvées dessinent selon la lumière un intérieur bourgeois, un temple romain, une tente de général en bivouac. Le sol est recouvert de sable blanc qui évoque tantôt la terre de Judée, tantôt celle de Rome. Un double sofa agencé comme un triclinium, une petite table basse et une lampe composent le reste. Seules taches de couleur dans ce décor très blanc, les costumes, en particulier celui de Bérénice, vert d’eau (!), tout en réinterprétation contemporaine de la toge. Quelques accessoires complètent le tout. Certains sont du plus joli effet tel ce plaid rose dans lequel se renverse une Bérénice de vert vêtue et qui, encore innocente du sort qui l’attend, paraît ainsi jouer à la princesse. D’autres sont si appuyés qu’ils en deviennent ridicules, à l’instar du diadème que Bérénice arbore pour mieux faire preuve d’autorité. C’est cette lourdeur-là, malheureusement, qui pèse sur le jeu des comédiens, sauf notables exceptions.

Je ne sais pas si cette piètre qualité de jeu relève d’une direction d’acteurs, d’un choix de mise en scène ou bien de comédiens peu à l’aise. Toujours est-il que le phrasé est lent, et que l’alexandrin - bien audible - est respecté comme pour une récitation. Les voix portent peu : nous étions au 5e rang et c’était déjà limite. Seul Clément Bresson, dans le rôle de Titus, m’a fait frémir par la justesse de son jeu, sa voix pleine et l’immense palette de ses émotions. Mahshad Mokhberi fait de Phénice, la confidente de Bérénice, une belle mama juive et sa proposition tient la route. Mais son rôle est discret. Quant à Bérénice, en la personne de Mélodie Richard, son jeu est professionnellement très bon mais émotionnellement très plat. C’est Mounir Margoum, dans le rôle d’Antiochus qui cristallise mes interrogations. Est-il balourd dans son jeu parce qu’au fond le personnage qu’il interprète est un peu l’idiot de la farce et, en ce cas, c’est très réussi et très émouvant? Ou bien est-il maladroit comme pourrait l’être un comédien peu rompu à l’exercice du classique? Je ne saurais trancher. J’ai juste été agacée et lasse bien des fois !

"Bérénice" mise en scène par Célie Pauthe donne à voir un très joli spectacle d’un point de vue esthétique. Les choix scénographiques, originaux et intelligents, donnent une lecture rénovée de la pièce. Il est dommage, à mon sens, que le jeu gâche quelque peu l’ensemble.

Catherine Wolff

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