Les Morts se vengent

Spectacle de la Compagnie des Grands Enfants (30), précédé de "Isobel la ressuscitée", vu le 31 Octobre 2013, 21h, à Montpellier, Théâtre Gérard Philipe. Texte intégral de deux contes de Claude Vignon (1856).

 

Mise en scène : Compagnie des Grands Enfants

Lecture / interprétation : Sidonie Amiot (Isobel, le cadavre) et Eric Doussaud (récitant, le médecin)

Mise en espace : Colette Pierolo et Eric Doussaud

 

VIVANT2-toiles-3Durée : 50 minutes

Jauge : Salle petite ou moyenne (peut se jouer en extérieur)

Genre : Théâtre, Lecture-spectacle

Public : à partir de 16 ans (une autre version à partir de 10 ans)

Sortie de création

 

La Compagnie des Grands Enfants explore les trésors des bouquinistes pour trouver des textes forts et les faire vivre en lectures théâtralisées. Ici sont réunis en un seul récit deux "Contes à faire peur" de Claude Vignon (pseudonyme de Marie-Noémi Cadiot), auteure de textes fantastiques. En cette soirée d'Halloween les morts vont se venger au Théâtre Gérard Philipe. Dommage que cette ténébreuse histoire n'ait attiré qu'une vingtaine de spectateurs, car elle se déroule à Montpellier à une époque où les avancées de la médecine faisaient marcher les imaginations... 

 

C'est dans le salon de Madame de M. que la triste vie de "Isobel la ressuscitée" nous est contée. Terrorisée par son mari, Isobel mourut jeune, mais revint d’entre les morts. Veuve vampire errant dans son manoir, elle séduit et épouse de jeunes hommes qui meurent ensuite d'un vieillissement accéléré. Un médecin raconte à son tour l'aventure terrifiante qu’il vécut en 1806, alors qu'il était jeune étudiant à Montpellier : ainsi commence "Les Morts se vengent". Enfermé par mégarde toute une nuit dans l'amphithéâtre d'anatomie de la Faculté de Médecine, il y fut violemment interpellé par des corps voués à la dissection... L'année suivante, dans le salon de Madame de M., alors que l'on s'étonne de la disparition du médecin, un fantôme passe dans l'obscurité et je reviens à la réalité des lumières et de mon fauteuil...

 

Eric Doussaud et Sidonie Amiot se relaient ou s'associent pour lire et théâtraliser les deux récits. L’émotion dégagée par ces textes lus ou dits est amplifiée par une scénographie simple mais qui m’a semblé efficace. L’ombre fugitive d’Isobel marque du sceau du fantastique la diction au ton inquiétant d’Eric Doussaud. Les formes allongées sous des draps dans l’obscurité de l’amphithéâtre d’anatomie et le glas qui sonne, provoquent un sentiment d’effroi avec une plongée forcée dans le réalisme. J’ai trouvé Sidonie Amiot excellente en cadavre de femme se réveillant pour lancer des imprécations contre les vivants, dans une diatribe surprenante pour l’époque sous une plume féminine. Les deux contes sont adaptés de façon à s’emboîter l’un dans l’autre. Et bien qu’un peu déroutée au début par l’incarnation d’Isobel, j’ai trouvé que la mise en scène articulait de façon fluide les passages d'un lieu à l'autre (du salon au manoir, puis à l’amphithéâtre, et retour au salon). Le fil narratif crée une boucle mais reste cohérent avec une bonne tension dramatique entre le surnaturel et le commun. Ne tombant ni dans la farce ni dans le grotesque ce spectacle associe le sexe et la mort, joue avec les malédictions et le Mal, ose l'occulte et le macabre. Je m’y suis laissée immerger avec délices !


Ce spectacle original m’a séduite (alors même que c'était une sortie de création) pour le choix des textes et la qualité de la théâtralisation. Pour qui veut bien se laisser emporter, il offre un voyage dépaysant dans le fantastique, ce monde où tout est possible, en sortant ces deux contes de l’oubli. Comme la violence crue du texte de la scène située dans l'amphi d'anatomie ne convient pas à un jeune public la Compagnie propose, en "spectacle détachable", une version pour enfants à partir de 10 ans.

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