Un spectacle produit par le Théâtre Gérard Philipe (93) et vu le 22 novembre 2019 au TGP.
Texte : Shakespeare
Mise en scène : Jean Bellorini et Thierry Thieû Niang
Comédiens : Shaur Ali, Manuel Bouqueton, Maera Chouaki, Cassandra Da Cruz Ganda, Lana Djaura, Jonas Dô Hǔu, Esther Durand-Dessag, Loua El Shlimi Ali, Achille Genet, Jeanne Lahmar-Guinard, Lea Le Floch, Justine Leroux-Monpeurt, Jeanne Louis-Calixte, Ulrich Mimboe-Verdoni, Lisa Ndikita, Samir Quemon,Abou Saidou, Maïa, Seassau, Jules Tellasion, Nara Trochel, Louis Jean-Pierre Valdes Valencia.
Genre : Théâtre
Public : tout public
Durée : 1H
Jean Bellorini et les sonnets de Shakespeare, il ne m’en fallait pas plus pour me précipiter ! Si j’avais lu plus attentivement le programme, je n’y serais sans doute pas allée et j’aurais eu tord !
De quoi s’agit-il ? D’une restitution d’atelier théâtral que tout CDN, de par son cahier des charges, se doit de mener. En tant que parent, j’ai eu ma dose ! Je suis donc arrivée quelque peu contrariée ; je suis repartie enthousiaste !
« Les sonnets » ont été créés l’an passé avec un groupe de 20 jeunes gens, âgés de 8 à 20 ans, 11 filles et 9 garçons, manifestement venus d’horizons très divers. J’ai assisté à la générale de la seconde saison. Cette reprise traduit bien le caractère inédit de cette médiation culturelle. Son succès repose sur un parti pris de mise en scène très fort, servi par un décor splendide et qui fait sens.
Le spectacle s’ouvre sur la projection d’une archive de l’INA, projetée sur un mur en lignes brisées : un inventeur incompris commente, démonstration à l’appui, le caractère révolutionnaire de sa machine à apprendre à nager la brasse. En avant scène, une vraie piscine. A cour, une chaise de maître nageur et une grosse bouée rouge ; à jardin, une harpe. Le mur se lève sur un fond de scène joliment éclairé par des projecteurs à la lumière orangée qui se reflète dans l’eau bleue. Les enfants entrent en scène pour se jeter à l’eau. Théâtralement d’abord, littéralement parfois, mais surtout symboliquement. Sur les sonnets de Shakespeare, il s’agit pour eux d’apprendre à nager dans les eaux troubles de l’amour et du désir en plongeant dans la langue de l’auteur.
Le spectateur n’échappe pas aux tableaux de groupes chorégraphiés, exercice incontournable de ce type de prestation. Au passage, on note une très belle cohésion de groupe. Mais Jean Bellorini et Thieû Niang ont su mettre en valeur chaque individualité tout en créant du rythme. Certains chantent et fort bien, d’autres dansent, un autre dit le texte dans un anglais parfait, une autre accompagne les récitants à la harpe, un duo de garçons entreprend une sorte de battle, un jeune couple entame quelques portées. Les voix portent bien, la diction est juste et parfaitement audible, rendant inutiles la légère sonorisation de la salle et le sous-titrage. J’ai particulièrement apprécié les tableaux « de la seconde partie ». Après une longue et singulière approche de la piscine (et de l’amour), les jeunes forment des couples et dialoguent leurs sentiments. Les corps s’effleurent par le truchement de l’eau. La scène où le couple le plus âgé, formé dans la piscine, prend chacun sur ses épaules, deux plus petits qui à leur tour se content fleurette est d’une grande émotion. Ma seule réserve concerne la musique, à mon sens, laide et trop forte !
Il m’a fallu chausser les lunettes de la bienveillance. Mais je n’ai guère eu de mal tant Jean Bellorini et Thierry Thieû Niang ont su guider ces jeunes vers l’exigence tout en leur offrant toutes les conditions d’un spectacle professionnel, traduction simultanée en langue des signes comprise. Une belle et rare générosité qui servira, je l’espère, de modèle aux autres CDN.