Coeur d'encre
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Spectacle de la Cie de la Bulle bleue (34), vu au Domaine d'O, Montpellier (34), festival Saperlipopette, 9 Mai 2015, 15h45
Ecriture, scénographie, mise en scène: Christelle Mélen
Création et interprétation: Matthieu Beaufort, Mélaine Blot, Mireille Dejean, Marion Mateu, Philippe Poli
Musique: Marc Calas
Décor: Georges Torky
Genre: Théâtre, marionnettes, ombres
Public: Tous à partir de 6 ans
Durée: 40 min
Jauge: 80 max. avec gradins
Création Décembre 2014
La Bulle bleue, ESAT artistique (Établissement et Service d'Aide par le Travail) permet à des personnes en situation de handicap de se professionnaliser dans les métiers du théâtre. En décembre 2014, La Bulle Bleue s’est associée à Hélice Théâtre et à la metteure en scène Christelle Mélen afin de créer le spectacle Cœur d’encre.
Le chapiteau de la pinède sud fait salle comble.
L'intrigue : Alice (M. Mateu) dessine et peint, sans arrêt, pour comprendre les choses de la vie. Elle vient de déménager, mais ne le voulait pas : ce sont les parents qui ont décidé, comme toujours ! Elle ira maintenant dans une classe « bien pour elle », car dans son ancienne école elle était toujours punie. Mécontente Alice refuse de sortir de sa chambre qu’elle aménage en la couvrant de dessins et où elle accueille des personnages imaginaires. C’est l’arrivée d’Arthur (M. Beaufort), un copain de sa nouvelle école, qui permet à Alice d’accepter sa nouvelle installation. Lui la comprend, une amitié naît et la vie repart, dans la complicité du quotidien.
Coup de cœur pour ce spectacle où tout traduit avec finesse le monde intérieur d’Alice : la mise en scène, le jeu, le décor, la scénographie avec marionnettes et ombres, les montages sonores. Trois simples panneaux de papier blanc matérialisent les murs de sa chambre. Au fil de son imaginaire, Alice les perce de fenêtres où apparaissent les têtes effrayantes de personnages de contes. Bravo aux comédiens créateurs des marionnettes et manipulateurs en coulisses. Derrière le mur, on entend les bruits de la vie de famille, la voix du père qui rentre, celle de la mère (M. Dejean) qui se montre: « Alice arrête de rêvasser ! ». Originalité : la voix d’Alice est diffusée off et s’incarne dans son lapin blanc en peluche. Il est vrai que sa mère l’appelle « Mon lapin »... Jouant en solo dans une grande partie de la pièce, M. Mateu interprète ce décalage de manière nuancée et émouvante. Il ne s’agit pas de dédoublement, mais littéralement de porte-parole. L'arrivée de M. Beaufort, excellent en « prince du château » plein d'écoute attentive et de gentillesse, aide Alice à éloigner ses peurs et à retrouver du sens à sa vie en dansant. Leur duo est fascinant.
De nombreux jeux de lumières et de belles ombres intensifient la portée de l’imaginaire d’Alice. L'utilisation occasionnelle de masques m'a également beaucoup émue. C'est un simple masque de lapin en papier blanc, qui redonne en quelque sorte la parole à Alice. Le visage ainsi caché, elle rentre dans son histoire pour la raconter à Arthur... comme le lapin blanc de L. Carroll fait tomber Alice dans le Pays des Merveilles ! Et lorsque dans une quasi-obscurité les autres comédiens s’alignent, tous masqués en lapins, ce paysage fantastique en noir et blanc est magique. J'ai beaucoup apprécié le jeu de M. Mateu. Postures et gestuelle évoquent parfaitement l’implication vitale d’Alice dans ses dessins. Et lorsqu’elle raille un cérémonial de politesse en le mimant, le comique évident de la scène ne gomme cependant pas sa colère. Et cette colère, quoi de mieux pour la crier que ce « rap des cartons » de déménagement, excellent, comme d’ailleurs l’ensemble de l’accompagnement musical du spectacle ?
Bravo pour ce superbe spectacle où Alice communique tant de vérités sur l’enfance, ses peurs, ses fantasmes, ses colères et ses joies ! "Coeur d'encre" sollicite directement les émotions et l’imaginaire des plus jeunes, qui y retrouvent leur monde. Accessible à tous et à voir sans restriction !
Ce spectacle impose peu de contraintes, hormis de faire le noir et un plateau de 6 x 4,5 m.
Catherine Polge
Autre spectacle de La Bulle bleue, commenté sur Vivantmag :
http://vivantmag.over-blog.com/article-la-jeune-femme-a-la-licorne-122591501.html