The Sunset Limited
07 mai 2015Spectacle de l'association Je Pars à Zart (34), vu à l'Outil Théâtre, Montpellier (34), le 22 Mars 2015, 19h
D'après une pièce de Cormac McCarthy (2006)
Traduction: Gérôme Ferchaud
Mise en scène: Théo Le Perron
Avec : Gérôme Ferchaud et Jean-Yann Verton
Lumières: Nils Doucet
Genre: Théâtre
Public: Adultes et adolescents
Durée: 1h30
Création 2015
Cette pièce très sombre de C. McCarthy n’a jamais été publiée en Français. Je Pars à Zart donne ici une première traduction.
Black, le Noir, vient d’empêcher White, le Blanc, de se jeter sous un train et l’a emmené chez lui. Black a été maltraité par la vie. Il vient de sortir de prison et veut aider White à retrouver, comme lui, du sens à la vie grâce à la religion. White, professeur aisé, vit dans un autre univers. Nihiliste et désespéré, il ne voit d’autre issue que la mort. L’un parle de l’amour de Dieu, l’autre refuse la main tendue et veut absolument réussir son geste. Leur conversation sur le sens de l'existence se fait à mots très durs et tourne à l'affrontement. Quelques instants de complicité n’effacent pas leur incompréhension mutuelle: deux mondes s’affrontent en noir et blanc. La pièce s'achève sur une ambiguïté autorisant le spectateur à donner sa propre conclusion.
Nous sommes chez Black (J.Y. Verton). Le décor évoque un grand dénuement et White (G.Ferchaud) se montre choqué par cette misère. Tout oppose les deux hommes et l'intrigue joue de ces contrastes en noir et blanc jusqu'à la provocation, que les comédiens expriment avec un jeu sobre mais intense. La bonne volonté de Black se heurte aux refus de White (G. Ferchaud) dans une véritable chorégraphie qui rappelle un combat de boxe: observations, échanges vifs qui claquent, esquives, réactions violentes. L’espace lui-même semble en tension et je ressens l'épaisseur de l'atmosphère. J’ai apprécié l'évolution du jeu au fil de l’action. Un premier affrontement, et l'on perçoit une incommunicabilité radicale. Les mouvements, la voix, les colères de Black, c'est toute l'assurance et l'enthousiasme du nouveau converti. A l'opposé White reste d'abord légèrement en retrait, mais tout chez lui montre qu'il en veut à son sauveteur. Et brusquement au milieu de la discussion, un repas, étonnant armistice, introduit un peu de banalité dans leurs relations ainsi qu'un peu d'espoir chez moi! mais brutalement White change: sa voix enfle et claque et, dans une longue explosion de colère, tout son corps hurle le désespoir: il veut mourir. Eprouvant... Très paradoxalement White m'a donné l'impression de vivre enfin: sans doute est-ce un effet du jeu de G.Ferchaud. Black de son côté abandonne ses prêches et semble physiquement concentré sur une très ancienne fureur, peut-être celle de l'ancien Black, avant la découverte de Dieu. Bravo à tous les deux! Bien mené, profond et émouvant, ce très bon spectacle laisse des traces.
J'étais un peu secouée (et je n'étais visiblement pas la seule) après avoir assisté à un tel combat! Ce spectacle est si fort qu'il peut longtemps vous coller à la peau, mais il n'est pas déprimant. Porteur de sens, il pousse à la réflexion et la dureté des dialogues s’inscrit dans un certain nombre de réalités psychologiques et sociales qui dépassent le contexte américain. Le rythme constamment soutenu crée un réel suspense. C'est du beau théâtre, à voir absolument, mais pas avec des enfants, bien sûr.
N.B.: Le Sunset Limited est un train joignant la Floride à la Californie, en passant par le sud des USA.
Catherine Polge
Autre spectacle de la compagnie publié sur le blog Vivantmag
http://vivantmag.over-blog.com/article-music-hall-118690925.html