Le Tromboniste
30 juin 2015Spectacle de la Cie Les Tubercules (05), vu à La Vista, Montpellier (34), le 10 Mai 2015, à 20h30
Texte : collectif, idée de Samuel Arnoux
Mise en scène : Robin Vargoz
Musiciens comédiens : Samuel Arnoux (guitare électrique), Alan Leborgne (contrebasse), Christophe Charlemagne (clarinette)
Musique de Christophe Charlemagne, Samuel Arnoux
Genre : Théâtre, musique, burlesque
Public : Tous dès 8 ans
Durée : 1h05
Création : Janvier 2014
Un trio de jazz arrive sur scène pour un ciné-concert. Le film ? Un chef d’œuvre méconnu, et qui va encore le rester car le projecteur tombe en panne après le générique ! Nos trois musiciens se voient donc contraints de nous raconter le film en s'improvisant comédiens pour jouer quelques scènes. Faute de quoi leur musique restera dans l'ombre ! A eux seuls ils incarnent ainsi une douzaine de personnages en nous entraînant tambour battant dans un scénario rocambolesque. Il s'agit pour Oscar, un tromboniste, de traverser le Mexique pour aller inhumer la jambe de son amie Angela. Elle vient d'être amputée et veut que cette partie de son corps retrouve les terres familiales... Chargé du précieux paquet caché dans l'étui de son trombone, Oscar vit des péripéties extravagantes et fait des rencontres farfelues dans un Mexique mêlant stéréotypes drolatiques et traditions étranges. Et lorsqu'à la fin Oscar se trouve interrogé dans un commissariat, la réalité nous rattrape. Ce road-movie est l'occasion pour les musiciens de nous faire écouter leurs compositions au fil des mésaventures du héros. Ce dernier, joué alternativement par chacun des comédiens, devient une véritable figure romanesque qui plonge le spectateur dans un monde burlesque et inquiétant. C'est à la fois très drôle et stupéfiant.
Si le réalisateur et son film sont de la pure fiction, l'histoire est par contre véridique et seuls quelques éléments ont été modifiés pour les besoins du spectacle. Le thème aurait pu être traité sur un mode tragique, car la mort est en effet toujours présente sur scène avec ce morceau d'anatomie transporté comme un instrument de musique. Mais le folklore mexicain convenu est également là dans des scènes hautes en couleur, où l'on rit beaucoup. Le mode burlesque délibérément choisi pour raconter cette histoire permet de transformer le morbide en cocasse et de représenter en un même spectacle la culture mexicaine de la mort et les stéréotypes que nous connaissons. C'est réussi.
Dans ce maelström extravagant, le trio arrive à jouer ses propres compositions lors de bonnes pauses musicales amenées la plupart du temps sans rupture. Les jeux burlesques qu'ils accompagnent semblent presque naître de leur musique, comme dans certains grands moments du septième art. Ainsi d'une scène de séduction grandiose dans le train, d'une splendide poursuite et d'un inoubliable merengue. Je me suis souvent crue au cinéma ! Sur fonds de vidéos surprenantes, le narrateur (S. Arnoux) s'escrime à nous aider à ne pas perdre le fil, mais il n'évite pas les dérapages, et c'est très drôle. D'excellents bruitages créés avec les moyens du bord et réalisés à vue par les trois complices démultiplient nombre d'effets comiques visuels. Témoin entre autres le voyage d'Oscar à dos de mule, inénarrable. Musique et bruitages s'entremêlent, les personnages défilent, les rôles s'interchangent vivement, mais l'ensemble reste toujours cohérent et le jeu théâtral des musiciens est jubilatoire. Saluons aussi les créations lumière et les réalisations techniques.
Ce très bon spectacle sur fond de Mexique de légende et de réalité est très réjouissant. Il fascine par de nombreux aspects et réserve de bonnes surprises. Amateurs de jeu burlesque, cinéphiles, amateurs de musique et de folie théâtrale seront comblés.
Catherine Polge