La Patiente
29 juil. 2015Spectacle de la Cie Conquête de l’ouest (78), Avignon Off 2015, 15h15, Alibi Théâtre, du 4 au 26 juillet
Comédie d’Anca Visdei
Interprètes Sabine Laurent, Yoann Loiret
Mise en scène Aurélie Goulois
Genre : Théâtre
Public : Tout public
Durée : 1h20
Création 2015
Décor minimaliste et froid, bureau, divan, chaises, photo de Freud encadrée posée sur un meuble, et la porte d’entrée du cabinet. C’est le lieu unique qui va voir se dérouler une année d’analyse.
Fin août, première visite de Catherine chez Jacques Poncet Bernardini, psychanalyste. Un tourbillon en robe rouge investit le cabinet. Lui est sobre, maître de lui, calme, en retrait, bref conforme à l’idée qu’on peut se faire d’un tel professionnel. Elle lui annonce d’emblée qu’il n’est pas son premier thérapeute, que généralement, elle en change très vite. Immédiatement, elle bouscule le rituel, n’accepte pas les codes de l’analyse. Elle refuse de s’allonger sur le divan et impose à Jacques le face à face, qui en réalité lui permet de prendre l’avantage. Systématiquement en retard, elle ne respecte pas les heures de rendez-vous, modifie le calendrier des séances sous n’importe quel prétexte. Bref, bien vite c’est le thérapeute qui s’adapte à cette patiente, qui l’attire plus que la déontologie ne le permet. Catherine de son côté est intéressée et cherche à en savoir plus sur lui par l’intermédiaire de ses relations. Pour la première fois, elle n’interrompt pas les séances…
Mais qu’attend-elle au juste de l’analyse, ou du thérapeute ? Jusque-là, aucun ne l’avait aidée à avancer. Mais la relation particulière qu’elle noue avec Jacques l’amène enfin à réaliser, ou admettre, que malgré une vie aisée, de beaux enfants, un mari « parfait », elle s’ennuie et n’est pas heureuse. Son quotidien l’étouffe, son activité d’écriture ne lui apporte au fond aucune satisfaction. Au fil des séances, elle prend de l’assurance, sort de sa résignation, et demande le divorce. Enfin, elle n’a plus peur !
La mise en scène sobre met l’accent sur le « match » de plus en plus serré entre les deux protagonistes, soulignant la prise de pouvoir de l’une sur l’autre. Le temps qui passe est marqué par les variantes vestimentaires de Catherine, qui porte des vêtements plus chauds au fur et à mesure qu’on avance dans l’hiver, avant de se débarrasser de ses vestes, manteaux et autres chapeaux. En même temps d’ailleurs qu’elle évolue vers la liberté. Jacques lui est de plus en plus séduit et à son tour se laisse aller au jeu de la séduction, porte des chemises blanches, parce qu’elle n’aime que les hommes en chemise blanche. Il est déstabilisé et son éthique professionnelle est mise à mal, jusqu’à ne plus respecter ses propres règles. Il annule ou reporte des rendez-vous, accepte qu’elle emmène ses enfants en séance, lui demande des honoraires ridicules quand elle ne peut plus assumer les frais.
A travers cette joute oratoire prenante, qui ne faiblit pas, Sabine Laurent donne vie au personnage de Catherine, dans laquelle bien des femmes pourront se reconnaître, qui ose enfin sortir d’elle-même, aidée par un thérapeute, qui était enfin le « bon », peut être parce qu’il est lui-même sorti de son rôle… La fin, qui laisse planer le doute sur la concrétisation de la relation amoureuse en filigrane entre ces deux êtres, m’a laissé un petit goût de frustration !
Cathy de Toledo