Prodiges
25 juil. 2015Spectacle de la Compagnie Ninidor (06), vu au théâtre Tremplin, Salle Les Baladins, Festival d'Avignon 2015
Texte : Mariette Navarro
Interprètes : Fiona Lévy, Lélia Nevert, Adèle Viéville
Metteur en scène : Lélia Nevert
Genre : Théâtre
Public : Tout public
Durée : 55 min
Si être femme est devenu un métier à part entière dans notre société contemporaine, être vendeuse de tuperware l'est tout autant... A travers une leçon intiatique délivrée par deux vendeuses chevronnées à une débutante, Mariette Navarro, dans un texte d'une vitalité et d'une densité totales, dresse une sorte de portrait historique de ce que peut devenir la féminité si elle est livrée à l'autel du Commerce et du Paraître : un cauchemar climatisé en couleurs primaires.
Mélant slogans publicitaires, extraits de traités sociologiques et texte de comédie, elle réalise un virtuose jeu de massacre, intelligent et rock'n roll. En allant voir le travail de la toute jeune compagnie Ninidor, je m'attends donc à faire face à un grinçant pamphlet politique, qui prendrait en plus en compte le flux incroyable de la langue de Navarro, parfois plus proche de la poésie que de l'art dramatique, et surtout son humour. D'autant que le texte de présentation annonce clairement la création d'un « monde à la fois féminin et féministe qui renvoie finalement le spectateur au système de consommation dont il fait partie ».
Les trois comédiennes ont de l'énergie à revendre, ça ne fait aucun doute. Pétillantes, survoltées, elles jonglent entre chansonnettes pop et comique de situation, passant visiblement un très bon moment et très attentives à ce que chacune d'elle ait sa place, de la mutine à la pataude en passant par la sexy. L'ennui, c'est que cette bonne volonté ne me suffit pas. Passant à côté de la profondeur du texte, dont elles ne tirent que le côté « critique de la femme moderne », elles s'en servent plutôt que de le servir, et font la plupart du temps du pur hors-sujet.
Au lieu de se coltiner à la contemporanéité du texte, à son aspect sociologique, presque savant, plutôt que de chercher une forme pouvant rendre compte de sa complexité et de son aspect expérimental, Lélia Nevert fait au plus simple : une mise en scène de cabaret, ou plutôt de café théâtre, aux gags faciles et inutiles, au décor fait avec deux bouts de scotch en atelier carton, à laquelle on adjoint des chansons complètement anachroniques dans cet univers. Je mettrais ça sur le compte de leur jeunesse, pardonnant aux jeunes filles de vouloir tout faire tenir dans un seul spectacle, leur goût pour Muriel Robin, leur amour des Brigitte, leur amitié et leur envie de faire Avignon ; mais je soupirerais aussi devant le fait de vouloir faire entrer au chausse-pied un texte dans son propre univers, comme si la mise en scène était prête avant la découverte profonde du texte.
Danielle Krupa / Allez Zou !