Finir en beauté
Finir en beauté

Spectacle de Mohamed El Khatib / collectif Zirlib (45), vu à la Manufacture, Festival d’Avignon 2015

Auteur et interprète : Mohamed El Khatib

Genre : Fiction documentaire

Public : à partir de 10 ans

Durée : 50 min

Création 2014

Finir en beauté est un « témoignage-limite » sensible et esthétique, dramatique et léger des derniers instants que vivent un fils (l’auteur) et sa mère (sa mère), atteinte d’un cancer en phase terminale. Pendant le festival d’Avignon, cette pièce en 1 acte s’est jouée à la Manufacture, salle connue (une fois de plus) pour son bon goût et ses exigences en matière de spectacle. Vous le verrez donc sûrement un jour. Sinon je vous le conseille.

Mohamed El Khatib n’avait aucunement l’intention de jouer à Avignon. C’est La Manufacture qui l’a sollicité. Il n’est pas à l’aise non plus lorsqu’il s’agit de saluer le public à la fin d’une représentation. L’a-t-il jouée d’ailleurs ? Ou réinterprète-t-il infatigablement ces dernières secondes d’oratorio fictionnalisé dans le retranchement de lui-même pour soumettre autre chose au public ? Quelque chose de plus banal, de plus « anti-spectaculaire », de plus lié à la vie, au théâtre, aux langages, aux cultures entrecroisées, à la littérature, à l’art ? De l’esthétique, de la légèreté, de la réalité humaine, passées par le prisme de la distance et de la subjectivité. Un gars qui lit Chevillard ne peut être qu’admirablement inspiré.

Dans un espace scénique minimaliste (une télé, une table, une caméra), et à l’appui d’une quantité d’éléments de prise directe avec le public (lecture de notes de carnet, bandes-son sous-titrées, témoignages enregistrés sur téléphone portable…), l’auteur nous livre directement avec une distance concentrée la chronologie des faits, des débris et des gestes, d’une expérience qu’il a vécue, et qui fait écho à tous : la mort de sa mère. Mohamed El Khatib avait déjà écrit dans son premier texte, À l’abri de rien, que « le monde se divise en deux parties égales, ceux qui ont perdu leur mère et ceux qui vont avoir mal de la perdre ». Il le répète sur scène. Sa boîte à mémoire s’ouvre donc au public comme un documentaire-fiction qui fait écho au nôtre.

Le récit de ses inquiétudes, de celles de sa mère, des mois passés à la filmer (et pourtant jamais nous ne verrons la mère en vidéo, 1 fois en hommage, en image arrêtée), leurs derniers échanges, les courriels ou sms « post mortem » prétendus soutenir la famille, les regards à l’enterrement, tout y trouve une place à la fois exceptionnelle et d’une profonde banalité. Son langage est celui d’un théâtre qui raconte un fait réel fictionnalisé et qui témoigne de la réflexion menée par l’auteur sur le thème de la disparition, du déclin physique, du déclin des mots, du déclin de la vie. S’il s’interroge sur sa propre vie, c’est par le médium théâtre qu’il détache singulièrement la légèreté à la fois fragile et sensible de son témoignage, sans jamais le sublimer, mais en le consignant dans une réalité à la fois belle, froide et violente.

Mohamed El Khatib ne revient pas sur scène une fois qu’il l’a quittée. Courrez donc le voir AU DÉBUT de chacun de ses spectacles.

Danielle Krupa / Allez Zou !

Retour à l'accueil