Les primitifs
Les primitifs

Spectacle du Collectif La poursuite/Makizar (87), vu au lieu Présence Pasteur, à 18h00, le 19 juillet 2015, visible du 4 au 26 juillet dans le cadre du Off 2015

Auteur : Écriture collective, auteure associée : Bérénice André

Interprètes : Hélène-Lina Bosch, Jérémy Colas, Céline Garnavault, Darko Japelj, J.F. Sirérol
Metteuse en scène : Hala G
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Genre : Théâtre contemporain

Public : Tout public

Durée : 80 min

Sur un plateau nu, un message s’affiche sur le mur du fond : « Tout cela finira fort bien ou fort mal, mais fort. » Guy Debord. L’auteur de la « société du spectacle » confirme ainsi le pitch qui nous invitait à suivre la piste d’une femme élue maire de sa ville, suite à un jeu de télé réalité politique, et dont un auteur de théâtre adapte l’histoire sur scène. C’est fort et alléchant…

Dans ce décor très contemporain, un personnage - récitant, assistant, technicien (?) -, nous informe que nous venons d’assister à la première d’une pièce de théâtre et que l’on nous a demandé de rester… Public, nous faisons ainsi partie de ce qui va se dérouler sous nos yeux.

Très vite, la directrice du théâtre nous annonce que nous sommes enfermés et invoque acte terroriste, attentat, règlement de compte, dans une confusion chaotique. Le metteur en scène du spectacle auquel nous sommes censés avoir assisté, pense à une provocation de l’ancien maire déchu, présent dans la salle, et nous participons de façon indirecte à un déchirement sanglant entre théâtre, technicien de la chose culturelle, média, politique.

Chacun en prend pour sa part, confrontant la parole politique à la parole théâtrale, dénonçant la surenchère médiatique autant que la prétention du théâtre à vouloir expliquer le monde. C’est un vrai jeu de massacre, où chacun est renvoyé sans cesse à ses propres failles, ses contradictions internes, sa soif de reconnaissance dans un jeu de dupes que personne n’ignore. C’est flamboyant, théâtral, visuel, parfois original… Oui, ça envoie, mais pourtant…

Le spectacle, censé selon le dossier de presse travailler sur le thème des peurs primitives et de leur fabrication par les communicants, malgré son ambition, passe à côté de son objectif, car il manque la première marche de sa démonstration : nous mettre en situation et nous inclure dans le dispositif.

En effet, malgré une proposition originale, je n’ai pas pu me laisser aller un seul instant à croire à cette histoire d’enfermement. Et pour en avoir discuté avec d’autres spectateurs à l’issue du spectacle, c’est partagé. La montée en puissance de cette peur est bien trop rapide et inconsistante pour être crédible. Pourtant à ce petit jeu-là, on sait bien que la réalité dépasse la fiction… Est-ce du au jeu de la directrice de théâtre qui perd son calme sans raison dès les premières secondes, où à la construction dramaturgique qui s’emballe dès le début ? Dans tous les cas cela ne marche pas, et même si il y a indéniablement de belles idées et de belles images dans ce spectacle, on assiste finalement à quelque chose d’assez lointain.

Pourtant le propos est séduisant, et il est largement partagé : sur l’entre-soi de la culture, sur les compromissions complexes du monde politique et culturel, sur les conflits d’intérêts… Alors, il est bien dommage que ce spectacle aux nombreux points forts, reste comme un objet lointain, trop caricatural pour être vrai. A moins que cela ne soit délibérément voulu ? Qui sait… ?

Eric Jalabert


La Poursuite / Makizart est l’union de deux associations, l’une basée à Épaignes en Haute-Normandie, l’autre basée à Limoges en Limousin.

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