La Femme perplexe ou Moi et mon placard
30 oct. 2015Spectacle de la Cie Ông Dam (34), vu le 4 Octobre 2015, 18h, au Carré Rondelet, Montpellier (34)
Texte de Gérard Levoyer (2007)
Mise en scène : Jasmine Dziadon, assistée d'Axelle Abéla
Interprétation : Jasmine Dziadon
Musicien : Romain Pradel
Genre : Théâtre
Public : Tous à partir de 12 ans
Durée : 1h15
Création 2014
En attendant un "prince charmant" qui ne vient pas, Sylvie (J. Dziadon), femme sensible, s'interroge. Dans un étonnant et fascinant monologue tragi-comique, elle nous livre sans fard ni restriction tous ses doutes devant les aléas de l'amour et de la sexualité, révélant sa solitude fondamentale. Elle évoque sa mère empêtrée dans une vision doloriste de la féminité, son compagnon exclusivement préoccupé par les dimensions de son propre sexe, son chien dépressif, etc. Lucide mais pleine d'espoir et de rêves, elle nous parle du futile comme de l'important, elle rit, pleure, ironise, avec une interrogation sous-jacente : qu'est-ce qu'une vie de femme ? Question qui la précipite... dans son placard ! Dans ce refuge, lucidité et illusions se tissent ou se dénouent de manière cocasse et pathétique. Accompagné par un musicien (R. Pradel), le spectacle progresse ainsi dans un jeu de fuites et de retours, jusqu'à un dénouement plein de malice qui n'en finit pas de questionner la féminité.
Excellente, J. Dziadon nous emmène très facilement à la suite de son personnage irrésolu. Elle nous attendrit, nous surprend, nous émeut et nous fait rire aussi. Comique et tragique se mêlent en permanence et la comédienne est toujours convaincante, comme par exemple lorsqu'elle dit son étonnement, puis son ironie et enfin crie sa colère contre son compagnon. Ici les effets comiques ne sont pas plaqués, mais signent la spontanéité de la pensée et la palpitation de la vie, dans ses contradictions et sa complexité. Désopilante lorsqu'elle agite une chaussette en "zizi" défaillant, elle sait aussi nous prendre littéralement aux tripes en faisant allusion à sa grossesse manquée pour toujours. Elle bouge, se pose, mime, sans aucune baisse de rythme. Bien loin d'un simple accessoire, le placard joue le rôle d'un partenaire ou d'un complice. Il accueille, cache, protège, ressource, tenaille les souvenirs ou les émotions et J. Dziadon en joue avec aisance, quel que soit le registre émotionnel : désespoir, rêve, fantaisie, etc. Même aisance avec le texte, tonique et souvent cru, qu'elle porte avec justesse, sensibilité et audace. Le musicien m'a intriguée car il est installé sur scène dans une cabine transparente. Alors qu'il limite ses premières interventions à des bruitages et accompagnements (excellents), il s'invite progressivement dans le spectacle avec mélodies et gestuelles chargées d'émotions discrètes, comme une présence vigilante et amicale auprès de la comédienne. C'est réussi. J'ai ri, souri, eu la gorge serrée et suis longtemps restée imprégnée par la puissance du spectacle. Bravo !
Sylvie n'est certainement pas la seule femme à plonger dans la perplexité, entre sexe et amour, souffrance et bonheur ! Où placer le curseur entre affirmation de soi et renoncements ? "La femme perplexe" propose avec humour et gravité une réflexion de dimension universelle sur le sujet. Vraiment à voir, par tous, toutes.
Catherine Polge
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