La Petite Fille aux Allumettes
23 mai 2016Spectacle de PAN ! La Compagnie (Bruxelles) et Le Petit Théâtre (Lausanne), vu le 7 mai 2016, au Théâtre Paul Puaux, Domaine d’O, Montpellier (34) dans le cadre du Festival Saperlipopette.
D’après le conte d’Andersen
Auteur et mise en scène : Julie Annen (avec le soutien de F. Melquiot)
Avec : Salvatore Orlando, François de St Georges, Viviane Thiébaud et François Delcambre
Genre : Théâtre
Public : Tout public à partir de 6-7 ans
Durée : 45 min
Quatre voix sont ici réunies pour incarner l’histoire de cette petite fille qui, par une nuit glaciale de la St Sylvestre, tente de vendre des allumettes aux passants, indifférents. Finalement elle craque les allumettes pour se réchauffer, mais meurt de froid après avoir eu des visions, dont celle de sa grand-mère adorée décédée depuis peu. Julie Annen a demandé à des groupes d’enfants de 6 à 12 ans leur avis sur cette histoire sinistre, de livrer leurs interrogations, et d’apporter des suggestions pour en modifier le déroulement et l’issue. L’enregistrement de leurs réflexions est diffusé en "off" au début du spectacle. Le décor est sommaire. Sur une estrade qui délimite l’espace de jeu sont installés deux réverbères style XIXe siècle, entre lesquels est accrochée une guirlande, telles celles qui illuminent les rues des villes en période de fêtes de fin d’année. Les comédiens sont vêtus de manteaux et bonnets de laine. Diable, c’est l’hiver, il ne fait pas chaud, la neige tombe ! Tour à tour, avec une surprenante fluidité, ils interprètent des villageois, le maire, la neige, un sapin de Noël, un poêle à bois, et même une dinde ! Mais personne n’incarne la petite fille dont on entend seulement la voix.
La compagnie a choisi une manière différente d’aborder cette histoire, la ramenant ainsi à un fait divers plausible, suscitant d’ailleurs de nombreux questionnements. L’histoire est transposée au XXIe siècle. La fillette vit avec ses parents dans un camping-car à l’écart du monde, loin de la ville. Après une existence normale, le père a connu le chômage, puis la dégringolade qui a conduit la famille à cette situation précaire. La mère est très malade, mourante. Le père envoie sa fille à la ville chercher de l’aide. Malgré la peur, le froid qui transperce son corps trop peu couvert, elle traverse le bois, où traîne une bande de jeunes qui semble préparer un mauvais coup. Courageusement, elle poursuit son chemin. Mais en ville chacun est occupé aux préparatifs du réveillon. Personne ne la regarde, ne lui ouvre sa porte ou ne lui donne quelque chose à manger. Découragée, transie, elle se réfugie dans un coin abrité, où le briquet qu’elle avait dans sa poche lui procure un peu de lumière et de chaleur, mais aussi des visions réconfortantes. Jusqu’à l’apparition de sa grand-mère qui seule lui apportait du réconfort, et qu’elle suit avec joie vers un ailleurs plus doux…
L’histoire n’est pas si éloignée du conte d’Andersen, bien que plus contemporaine et plus réaliste. D’autant que Julie Annen a connu elle-même à l’adolescence cette vie dans la précarité à la suite d’une faillite, puis d’une expulsion. Elle a été confrontée à l’isolement, à l’indifférence et à la honte, heureusement avec une issue moins tragique. Mais la mise en scène lumineuse, joyeuse, parfois saugrenue, non dénuée d’humour, la musique omniprésente, les comédiens qui chantent et dansent, confèrent un air de "comédie musicale" au spectacle. Les voix des enfants apportent un vent de fraîcheur bienfaisant, même si leurs questions et remarques sont claires et sans concession. La fin saurait-elle être différente pour autant, ou simplement vue différemment?
Malgré mes craintes au début de la représentation, je n’ai pas trouvé ce spectacle misérabiliste, mais plutôt empreint de tendresse et de sensibilité. Mise en avant par la sobriété du décor, la qualité de jeu des comédiens n’est pas étrangère à cette sensation.
Cathy de Toledo