Le Festival des Petites Formes de Montfavet
17 juil. 2016Le Festival des Petites Formes de Montfavet, Parc Seguin, du 12 au 17 juillet (inclus dans la programmation du Festival Off d'Avignon)
Coordinateurs : Alixiane Morel et Vincent Clergironnet
C’est la première édition de ce festival qui a lieu à Montfavet dans la banlieue d’Avignon. A l’origine de ce projet se trouvent des compagnies de l’Est de la France, des associations culturelles installées dans la ville de Montfavet et des élus dont la volonté politique est clairement d’apporter la culture dans leur ville. Tout cela part d’un constat : les gens habitant aux alentours d’Avignon sont peu nombreux à se déplacer jusqu'au festival. Alors, puisqu’ils ne viennent pas aux spectacles, ce sont les spectacles qui viennent à eux cette année. Nichées dans un petit écrin de verdure, les yourtes, caravanes et autres installations temporaires se sont posées dans le parc Seguin à Montfavet. L’idée est bien sûr de se distinguer dans un paysage culturel riche en propositions. Voilà chose faite avec le Festival des Petites Formes qui offre, comme son nom l’indique, 25 spectacles brefs et entre-sort (de moins d'une demi-heure) et ce à de tout petits prix.
J’ai eu la chance de pouvoir passer l’après-midi du 13 juillet dans la quiétude ombragée de ce petit parc, loin de la foule avignonnaise. J’ai assisté à 3 entre-sort et 2 formes brèves. Je suis repartie de là un peu frustrée car tous les spectacles auxquels j’ai assisté étaient de bonne qualité et originaux, ce qui me laisse présager de la teneur générale du reste du festival.
"Au Fil du temps", Cie Azimuts, durée 10 minutes, tout public, avec Andreea Vizitiu
C’est un solo de danse avec 3 pendules monumentales qui se balancent. Des sons électro et abstraits se déclenchent grâce aux mouvements impulsés par la danseuse, complétant d’un tableau sonore très contemporain une chorégraphie abordée comme un parcours, dans un rapport subjectif au temps. Andreea Vizitiu court, stoppe, touche et balance les horloges, elle est à la fois esclave et maître du temps. L’image est poétique et la danse pleine de grâce.
"L’enfermée", Cie La cour singulière, durée 20 minutes, tout public à partir de 7 ans, avec Hélène Rosset et Olivier Lehmann
Dans la caravane de la compagnie La cour singulière, il y a 12 places, pas une de plus. L’intimité est le maître-mot de l’espace comme du spectacle. Pas besoin de porter la voix, ni de produire de grands visuels, tout est à portée des yeux, des oreilles et, je crois, de l’âme. Je suis ravie de découvrir "L’enfermée", un texte de Gaston Couté que je ne connaissais pas. Le rythme imposé par la manipulation toute en subtilité de la marionnette donne le temps d’apprécier le texte et de deviner le sens de certains mots oubliés de notre langue. En dehors de ces indices du temps passé, le thème est très actuel. Une vieille femme est enfermée parce qu’elle est "berlaude", sénile en quelque sorte, mais, vous en conviendrez, c’est bien plus charmant en ancien français, n’est-ce pas ? Les souvenirs de la vieille femme remontent le temps. L’esthétisme de la marionnette est précis à l’image du reste du spectacle. Le tout est d’une sensibilité et d’une tendresse rares. A voir et à revoir, on ne doit pas s’en lasser.
"Doble", Cie Calijo, durée 15 minutes, tout public, avec Auror Castan-Ain
Un étrange personnage vêtu d’un masque apparaît avec une insolite façon d’avancer. Je mets un peu de temps à comprendre. Le masque est disposé sur l’arrière de la tête et la danseuse avance en fait à reculons. C’est de la danse à coup sûr mais ponctuée par l’apparition de 2 autres masques, l‘un sur le genou, l’autre sur le visage. Cela ajoute au propos des idées visuelles bienvenues. L’illusion est ingénieuse, la chorégraphie travaillée, le tout interroge sur la dualité avec un "d" majuscule.
"Ôm Taf", Cirque rouages, durée 30 minutes, tout public à partir de 5 ans, avec Nicolas Mayet et François Guillemette
Le quotidien d’un homme se déroule sous nos yeux à un rythme soutenu. Il se réveille, s’habille, se lave les dents et va au travail. Rien de plus banal a priori sauf que tout part en vrille… C’est original dans la forme car le duo qui raconte cette histoire est hors norme. Nicolas Mayet s’occupe du visuel, danseur et, ai-je envie d’ajouter, acrobate. Il illustre avec une vraie prestance tous les actes de la vie quotidienne du travailleur. Il est accompagné par les bruitages produits à la bouche et en direct par François Guillemette, sa trompette et ses musiques samplées. C’est remarquablement bien fait, synchronisé et orchestré. Le tout ne manque pas d’humour, un agréablement moment, donc, à venir découvrir en famille.
"Streching anti-crise", Cie Les miettes de Margoula, durée 15 minutes, tout public dès 7 ans, avec Clémence Desprez, Marion Gouvernet et Hélène Vitorge
Trois hôtesses dans le style "Manifs de droite" nous accueillent avec un humour décapant. Elles donnent le ton avec leurs petits tailleurs de "winneuses" et leurs gestuelles de VRP. Nous sommes invités à nous lever et à bouger le corps. Forcément, le streching, cela ne se regarde pas, cela se vit ! En moins de temps qu’il ne le faut pour l’écrire, elles troquent leurs tailleurs contre une tenue d’aérobic. Le "Streching anti-crise" part du postulat qu’il vaut mieux s’habituer à la pauvreté plutôt que d’attendre que l’économie reparte à la hausse. C’est loin d'être idiot. Alors nous apprenons à regarder la crise en face et à vivre en dessous du seuil de pauvreté grâce à des pseudo exercices de gymnastique qui n’ont rien de compliqué mais qui ont l’avantage de nous faire rire. C’est très bien fait, le public est conquis. Au final, les seuls muscles qui ont vraiment travaillé sont les zygomatiques. Quelle bonne nouvelle !
Marie-Madeleine Pons