Léonard
25 juil. 2016Spectacle de Marc Pistolesi / l'Agence de Spectacles (34), AVIGNON OFF 2016, Ninon Théâtre, 16h45 du 07 au 30/07
De : Marc Pistolesi
Conspiration artistique : Ali Bougheraba
Avec : Edwige Pellissier, Jean-Baptiste Brucker, Marc Pistolesi
Genre : Théâtre
Public : Tout public
Durée : 1h10
Marc Pistolesi collabore depuis longtemps avec Ali Bougheraba. Il a mis en scène "l’Odyssée de la Moustache", et "Ivo Livi ou le destin d’Y.Montand", deux spectacles présents sur le OFF 2016. Ces deux spectacles ont emporté mon adhésion, pas seulement pour la mise en scène. J’étais donc curieuse de voir le résultat de leur collaboration "inversée".
Le décor nous plonge dans l’ambiance. Un café poussiéreux de village ou de quartier, en pleine décrépitude, un vieux tabouret de bar déglingué, un piano, sous un éclairage blafard. Sur le zinc, un téléphone ancien, quelques objets, un distributeur de cacahuètes... Un individu portant chapeau et valise passe par là, puis disparaît. Ce n’est pas Léonard qui, un peu hagard, sort bientôt du fond du piano! Mais il lui ressemble pourtant beaucoup… A vrai dire, j’ai eu un moment de flottement, tant je trouvais déroutant ce que je voyais. Deux individus semblant n’être qu’un, un pianiste prénommé Mercredi et une clarinettiste sortant bientôt eux aussi du même piano, dont on ne sait pas très bien ce qu’ils font là…! Peut être était-ce finalement un spectacle clownesque ?
Puis peu à peu, j’ai commencé à m’intéresser à Léonard, à suivre le chassé-croisé entre rêve et réalité, avec Arnolde, son double imaginaire, grâce à qui on comprend un peu mieux la situation… La ville se désertifie, l’usine a fermé, même l’église a été détruite. Les parents de Léonard sont morts. Il ne lui reste plus rien de son passé, sauf ce bar familial. Il ne se sent pas le droit de l’abandonner, et continue d’ouvrir tous les matins, même s’il ne vient jamais personne. Il est perdu, tourmenté, à la recherche d’une issue, d’un moyen d’avancer... Mercredi et sa musique le renvoient à ses rêves d’enfant, lui qui voulait être un artiste. En fin de spectacle, noyé (presque au propre comme au figuré!) dans la projection d’images vidéo de ses souvenirs d’enfance, qui couvrent tout le décor, il finit par toucher le fond, pour finalement rebondir, émerger, et poursuivre sa vie.
Marc Pistolesi porte dans ce (presque) seul en scène une aventure poétique servie par une écriture intelligente. Son interprétation donne vie à un personnage tendre et émouvant, sorte de Pierrot lunaire égaré dans une existence qui ne lui ressemble pas ou plus. C’est une bien belle proposition qui plonge le spectateur dans un univers étrange et onirique, où chacun peut cependant, dans l’histoire de Léonard, retrouver quelque chose de son propre cheminement. On sort de la représentation un peu cotonneux mais heureux, comme émergeant d’une nuit peuplée de jolis rêves…
Cathy de Toledo