Le Cabaret électrique
07 avr. 2017Spectacle de la compagnie Le cirque électrique (Paris 20e), vu au Cirque électrique (Paris 20e), le 18 mars 2017.
Mise en scène : Hervé Vallée
Interprétation : Hervé Vallée, Séverine Bellini, Justine Bernachon, Selwan Cherfi, Antoine Delon, Kiki Picasso, Monsieur Poudre, Lalla Morte, Siyoula Jins, Raùl Veiga, Jean-Baptiste Very
Genre : Cabaret
Public : Adulte (et c’est spécifié, à juste titre!)
Durée : 2h30
A l’heure de la Réaction triomphante, du "Cabaret électrique, revue n°4" souffle, en forme de manifeste, un vent de liberté salvateur. Avant de vous précipiter, il convient de vérifier que vous saurez apprécier la performance. Ames sensibles s’abstenir. Il y a notamment un numéro de fakir que, personnellement, j’ai détesté et que je n’ai pu soutenir. J’ai passé le temps à regarder le public, étonnée de sa jouissance à voir un homme se faire agrafer par sa meneuse... Mon dégoût n’a duré que le temps du numéro parce que j’éprouve par ailleurs une sympathie certaine et/ou une fascination pour les cultures punk, queer, rock et libertaire et qui sont l’essence même de ce cabaret.
Qui dit cabaret, dit tables pour se restaurer autour de la piste. Au choix, au bar, un menu complet ou des encas. Le service est assuré par "un personnel" en tenue coquine ou queer, éventuellement juché sur rollers. L’orgue de barbarie annonce le plat de résistance, le spectacle. Comme dans tout cabaret qui se respecte, nous assistons à une succession de numéros. Les disciplines circassiennes sont privilégiées mais savent laisser la place à d’autres formes : performances, mini-conférence, peinture corporelle. Le tout dans une tonalité très libertaire, très dénudée et très sexuée. Après tout, le sous-titre annonce bien une revue. La musique d’Hervé Vallée, alias Tapman, accompagne quasiment tous les numéros, sait soutenir les plus faibles (la roue cyr) et magnifier dans une sorte de transe punk, les plus périlleux et/ou les plus poétiques.
Ils sont 11 à se produire pour une moyenne de deux numéros chacun. Dans ce foisonnement de propositions, j’ai particulièrement apprécié Raùl Veiga, sorte de marlou héritier de Freddie Mercury qui du haut de son mât chinois chauffe la salle. Son numéro d’équilibriste en dictateur macho est un prodige de vulgarité maîtrisée. Selwan Cherfi offre un effeuillage au trapèze d’une grande technicité et d’un érotisme fort avenant. Rebelote au tissu aérien en duo avec Séverine Bellini. Les enchaînements sont très soignés et se déroulent soit dans la continuité du jeu soit par l’intervention de Kiki Picasso, le Monsieur Loyal. C’est ainsi que tous les soirs, il propose "Les 7 minutes de Kiki", un espace de parole offert à un invité surprise. Ce soir-là, Guillaume Dessange et François Piron, commissaires de l’expo "L’esprit français, contre-culture, 1969-1989", ont égrené, telle une litanie des dates-clefs, des luttes, des mouvements intellectuels dont l’énumération donne la mesure du "paradis perdu" à l’aune de notre époque du tout sécuritaire. Alors, pour se défouler, à l’entracte, quoi de mieux que d’aller tirer à la carabine sur l’effigie de certain(e)s de nos candidat(e)s à la fonction suprême. C’est gratuit et, promis, ça défoule.
Le "Cabaret électrique" est une pépite subversive. C’est précisément parce qu’il ne lâche rien quant à l’exigence artistique qu’il sait transmettre par la gestuelle, la musique, le costume, un message alternatif à la pensée unique mortifère qui règne aujourd’hui. A voir de toute urgence.
Catherine Wolff
(crédit photo : F. Beddok)