Polichinelle et Orphée aux enfers
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Spectacle de l'Ensemble Faenza/Marco Horvat (88/75), vu le 20 juillet 2017, AVIGNON OFF 2017, Théâtre chapeau d’Ebène, 10h15 sauf mercredi.

Scénario : Marco Horvat
D’après : Jean-François Regnard (1689) et Louis Fuzelier (1711)
Avec : Nicolas Gousseff (marionnette/chant), Marco Horvat (chant/théorbe), Olga Pitarch (chant/épinette/marionnette)

Genre : Spectacle musical marionnettique
Public : Tout public à partir de 7 ans
Durée : 1h

Comme l’a fait sommairement Nicolas Gousseff avant le spectacle, il n’est pas inutile de préciser ce qu’est le théâtre de la Foire. Au XVIIIe siècle à Paris, parallèlement aux théâtres officiels, lors des deux importantes Foires d’hiver et d’été, des théâtres "officieux" proposent des spectacles de marionnettes, pantomimes, acrobates qui rencontrent un grand succès populaire. Ce qui suscite jalousie et attaques de la part des scènes officielles, qui interdisent à ces troupes les dialogues, les acteurs, la parole, la chanson, bref tout ou presque ! Pour contourner les interdits, les théâtres de la Foire font preuve d’une grande inventivité, allant jusqu’à faire chanter le public en lui donnant à lire des textes inscrits sur des écriteaux. L’ensemble Faenza nous propose une parodie du mythe d’Orphée, inspirée de cette forme théâtrale particulière.

C’est d’abord un adorable Polichinelle, par l’esthétique s’entend, un tel adjectif ne pouvant lui être associé, qui fait son apparition, petite marionnette manipulée derrière un voile rouge par un extraordinaire Nicolas Gousseff, qui ne se limite d’ailleurs pas à la manipulation, mais joue et chante également. Il rappelle au public les grandes lignes du mythe d’Orphée, demi-dieu, éperdument amoureux de sa femme Eurydice qui succomba à la morsure d’un serpent. Il partit la chercher jusque dans le Royaume des Morts et réussit à convaincre Hadès, maître des Enfers, de les laisser repartir ensemble. Mais celui-ci y mit une condition, qu’Orphée oublia de respecter : ne pas regarder Eurydice tant qu’ils ne seraient pas sortis du Royaume des Morts, sous peine de la perdre à jamais… 

Dans un décor aussi dépouillé qu’efficace, fait de pendrillons de différentes hauteurs dans une harmonie de tons gris, beige, marron, et de quelques blocs servant de sièges, table ou lit, les personnages réels que sont devenus les héros mythologiques, font leur entrée. Orphée, maître de musique et joueur de théorbe (instrument ancien méconnu qui ressemble à un grand luth), vient donner sa leçon à Mlle Eurydice, qui fait ses gammes sur son épinette. Il y a entre les deux manifestement plus qu’une relation maître/élève…
L’intrusion de Polichinelle, qui tente de séduire Eurydice, vient modifier quelque peu le cours des choses. Manipulée par Olga Pitarch lors d’une scène magique illuminée par sa voix mélodieuse, la marionnette à l’effigie d’Eurydice prend peu à peu sa place auprès de Polichinelle, donnant ainsi corps à un deuxième couple en miniature, sorte de miroir du couple Orphée/Eurydice.

Les personnages et marionnettes évoluent, se poursuivent au milieu des pendrillons, déplacés à loisir en fonction des besoins scéniques, sortes de voiles aériens qui se prêtent à de nombreuses manipulations, contribuant à un effet de fluidité et de légèreté.
Le spectacle est accompagné d’extraits musicaux classiques et de chants lyriques de compositeurs connus, et de chansons traditionnelles ou satiriques, que le public (petits et grands) entonne de bon cœur à la lecture des écriteaux qui lui sont proposés.

Ce spectacle est un réel bonheur qui mêle musique, chant, jeu et manipulation de marionnettes, avec tout autant de talent des intervenants dans chaque domaine. C’est le spectacle qui m’a le plus séduite de tous ceux confondus que j’ai vus cette année (près d’une trentaine).
N’hésitez pas à faire le chemin jusqu’au théâtre du Chapeau d’Ebène, qui offre de surcroît un magnifique écrin à ce merveilleux spectacle.  

Cathy de Toledo

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