Provisoires
14 juil. 2017
Spectacle de la Compagnie Les Entichés (18), vu le 12/07/17, AVIGNON OFF 2017, à 15h15 au théâtre du Cabesta, du 6 au 30 juillet.
Mise en scène : Mélanie Charvy
Interprètes : Mohamed Belhadjine, Yasmine Boujjat, Aurore Bourgois Demachy, Tristan Bruemmer, Virginie Ruth Joseph, Clémentine Lamothe, Aurélien Pawloff
Genre : Théâtre
Public : A partir de 12 ans
Durée : 1h35
Alors qu'on vient d'entrer dans la salle, que la porte se referme et les lumières s'éteignent, la porte s'ouvre brusquement: le spectacle commence. Je pourrais détailler cette entrée en matière que j'ai beaucoup appréciée mais je préfère laisser la surprise pour ceux qui iront voir ce spectacle que je conseille fortement.
Le contrôle d'identité sera le sujet de ce que je pourrais appeler "la première saynète" de cette pièce. On est directement embarqué dans le bruit, dans le rythme intense, dans la tension. Une première accroche qui m'a pas laissée indifférente. S'ensuit une saynète plus politique, puis une plus joyeuse, puis une plus dramatique, avec de nombreux personnages joués par les sept jeunes comédiens de la troupe.
Aux premières minutes, je ne comprends pas où on veut m'emmener, je ne fais pas le lien entre les diverses situations et les divers personnages joués. Vient alors le tiers de la pièce où je comprends le fil rouge. Un choix d'écriture que j'apprécie puisqu'il m'a surprise et intriguée. Je suis comme devant un film, happée par ces personnages, leurs parcours d'immigration pour les uns, le travail en équipe dans un centre de rétention pour les autres, la vie de couple....
On se laisse embarquer dans cette histoire où on voit tantôt les personnes immigrées, demandeurs d'asile, tantôt les professionnels divers qui accompagnent ces personnes et à plusieurs niveaux (centre de rétention, France terre d'asile, ministère...). Je perçois surtout la volonté de parler du parcours des personnes réfugiées ou en demande de l'être, de leur raison d'immigrer, de leurs difficultés à trouver un abri et de cet écart entre leur réalité et l'administration. Les difficultés de ces personnes sont mises en avant par le texte et les saynètes jouées et celles des professionnels aussi; la fatigue, la pression, les chiffres, les quotas... Plusieurs niveaux de professionnels, plusieurs associations, services, et autres organismes, qui tentent de se comprendre, d'avancer ensemble et pourtant, le langage peut être différent, les problèmes ne sont pas les mêmes à des niveaux différents...
La mise en scène et la scénographie mettent en valeur la pièce et son sujet qui peut être lourd, selon comment on en parle. Lumière, musique, vidéo et texte donnent un rythme très dynamique tout au long de la prestation et se lient bien ensemble à part quelques vidéos qui, selon moi, n'étaient pas nécessaires à certaines scènes.
La liberté, le désespoir, la solidarité, la violence, les cultures, les religions, l'espoir, le courage, l'amour et la fraternité sont autant de sujets qui découlent de ces situations. La pièce en elle-même nous met face aux réalités de l'immigration, avec des situations lourdes, graves et difficiles sans prétendre y trouver des solutions. Je pense qu'on cherche à m'amener, à nous amener, à se questionner, à réfléchir sur ce sujet, à voir les choses peut-être d'un autre œil pour certains, à avoir envie de soutenir pour d'autres, de débattre, de réfléchir aux avancées possibles...
Une troupe de sept jeunes comédiens dont le jeu est assez époustouflant. Je suis tenue en haleine tout au long de la pièce, j'admire le jeu de certains d'entre eux et leur facilité à assurer des personnages totalement différents dans un rythme surprenant. Le bémol du lieu serait la climatisation élevée qui m'a rendue presque frileuse.
Une pièce d'actualité, bien maîtrisée d'où je sors bousculée, troublée et enchantée par cette performance théâtrale.
Valérie Desbrosse