L'enseignement de l'ignorance

 

Spectacle de la Compagnie DDCM (84), coréalisation Pandora (84) , vu au Festival Avignon OFF 2017, à 12h30 au Pandora, du 6 au 30 juillet 2017.

 

Auteur: Jean-Claude Michéa et Seb Lanz

Interprètes : Héléna Vautrin, Fred Guittet, Seb Lanz

Musique et mise en scène: Seb Lanz

 

Genre: Théâtre (citoyen)

Public: Tout public, à partir de 12 ans

Durée: 50 min

 

Les premières notes du pianiste sonnent et les premières lignes s’inscrivent sur le grand rétroprojecteur au fond du plateau. Le public est alors plongé dans le sujet de "l’enseignement de l’ignorance". "On constate de façon évidente le progrès de l’ignorance, à la fois comme défaut de savoir structuré, de capacité théorique élémentaire, et comme manque de sens critique, de jugement moral autonome. Or l’ignorance des élèves ne constitue pas un dysfonctionnement, mais est un élément nécessaire et une condition du développement de nos sociétés modernes" (Florent Julien, Collectif Racine).

 

De nombreuses références comme Orwell, Smith et Nietzsche mettent en exergue la pensée de l’auteur. Ces références nous plongent dans le passé (similaire parfois au présent) et les deux comédiens qui entrent sur scène nous ramènent à l’instant T. Dans un premier temps je ne vois pas forcément le lien entre la gestuelle des deux comédiens sur le texte et le piano qui l’accompagne. Je commence à sortir de la lecture car cette période de projection me semble légèrement trop longue pour rester concentrée et attentive. Et finalement, ne serait-ce pas là un des sujets abordés par l’auteur ; l’évolution de l’attention de l’homme à travers l’évolution de la société et ses multiples sollicitations quotidiennes. Nous enseigner l’ignorance reviendrait en quelque sorte à nous formater ou déformater, ce qui influerait sur notre capacité d’attention, de critique et de jugement.

Lorsque le pianiste se met à lire, je prends alors un peu de répit et je reste "connectée" à ces diverses sollicitations choisies dans la mise en scène (musique, vidéo, théâtre, lecture). De nombreux sujets sont abordés tels que la production, la surproduction, la consommation, la surconsommation, le travail, le numérique…

On y parlera également des grandes institutions (des grands puissants) telles que le FMI, l’OCDE, le G8 et leurs enjeux et impacts sur notre société. Ce sera le Tittytainment qui sera approfondi et décortiqué pour que l’on comprenne tout son sens. Ce terme a été inventé par Brzezinski formé à partir des mots tit (sein en argot américain) et entertainment (divertissement). Le "sein" fait plutôt référence à l’effet soporifique de l’allaitement maternel sur le bébé. "Le concept est un cocktail d’aliments et de divertissement qui endormirait la masse. C’est un totalitarisme des temps modernes" (Source, lesoirdalgerie.com).

 

Je pense qu’il s’agit d’une représentation où le spectateur doit être suffisamment disponible et attentif pour voir, comprendre et apprécier la pièce jusqu’aux derniers mots. Cependant, le choix de mise en scène est très moderne, les musiques y apportent une "touche" plus dynamique après plusieurs lectures, le théâtre vient alterner et équilibrer aussi les propos, parfois assez soutenus, de l’ouvrage. Le piano nous offre une touche plus poétique et musicale tout au long de la représentation.

Cette pièce doit parler à la jeunesse que nous sommes et j’apprends à la fin qu’elle est proposée dans des lycées, dans des IUT. Cela me semble très pertinent comme outil de débat, même dans des colloques et des conférences. Bien entendu, en salle, ça fonctionne très bien.

Une très belle performance réalisée, moderne, dynamique et très constructive intellectuellement. Merci.

 

Valérie Desbrosse

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