Le corps utopique ou il faut tuer le chien!
11 oct. 2017
Spectacle de la compagnie Pré-O-Coupé (94) vu le 19 septembre 2017 au Nouveau Théâtre de Montreuil (93).
Mise en scène : Christian Lucas (sur une idée de Nikolaus Holz)
Interprétation : Medhi Azéma, Pierre Byland, Ode Rosset, Nikolaus
Genre : Cirque
Public : Tout public
Durée : 1h30
Ce que j’aime dans un spectacle, et dans les arts en général, c’est qu’il me parle de lui-même, sans le truchement d’un dossier de presse. Ce n’est malheureusement pas le cas, malgré des critiques dithyrambiques, du spectacle "Le corps utopique ou il faut tuer le chien!" de Nikolaus Holz.
Ils sont quatre sur scène. Officiellement, nous devons assister à leur conférence dont le sujet, nous rapporte le dossier de presse, porte sur la sécurité. On découvre donc chacun des protagonistes à son arrivée : la secrétaire qui s’évertue à dresser la table de circonstance ; un colonel, psychorigide comme il se doit, mais à l’allure dégingandée à la De Gaulle ; Robi, un punk à chien, enfantin et provocateur ; le vieux Durand, à priori rasoir et passablement sénile. D’emblée, entre l’hystérie de la secrétaire, l’abime social qui sépare le colonel et le punk et un improbable parpaing cassé au premier plan, on se doute bien que la conférence va partir en vrille. Bientôt, de la sage salle de conférence ne reste qu’un chantier dont les tours de théâtre constituent l’échafaudage d’où tombent divers matériaux et où voltigent, en se cherchant noise, nos personnages.
Le spectacle ne manque pas de qualités. Les gags "tarte à la crème", en début de spectacle, font hurler de rire les jeunes spectateurs et pas que. Le comique de répétition, à commencer par l’injonction "bien!" avec un "i" très appuyé suivi d’un blabla inaudible du vieux Durand, souligne toute la vanité des grands raouts. La souplesse féline de Robi le punk (Medhi Azéma) est admirable dans les acrobaties et très convaincante dans l’imitation du chien ou du chimpanzé. Le duo qui réunit Nikolaus à la jongle et Ode Rosset au cadre/fil est époustouflant de beauté. Enfin, les digressions pataphysiques et pianistiques de Durand (Pierre Byland) sont un régal d’intelligence et d’absurde.
Alors quoi!
Le spectacle manque cruellement de rythme et de cohérence. Les personnages gesticulent beaucoup sans beaucoup y croire. Enfermés dans des stéréotypes éculés, ils peinent d’autant plus à convaincre. Les numéros à proprement circassiens sont finalement réduits à la portion congrue et pas toujours réussis (le mât chinois, la jongle à plusieurs grosses balles rouges... qui tombent et qui retombent!). La bande son, à fond, et le décor qui s’effondre font mine de combler un propos somme toute exsangue. Je me suis ennuyée ferme! J’ai donc cherché à mieux comprendre et je n’ai trouvé qu’un titre ronflant et une note d’intention tout aussi prétentieuse. Le discours sur le cirque y est convenu et je déplore qu’il m’ait fallu le lire plutôt que de le voir. De même pour la question de la transmission de l’art du cirque entre trois générations et que Nikolaus nous explique à l’issue des applaudissements.
"Le corps utopique ou il faut tuer le chien" est un spectacle inégal. Il recèle de grands moments, mais faute de cohérence, il s’étire en longueur et ne parvient pas, par lui-même à transmettre le propos qu’il s’était donné de nous faire passer. C’est dommage!
Catherine Wolff