Tableau d'une exécution

Un spectacle produit par Les Célestins (69), Théâtre de Lyon, vu le 19 janvier 2017, au théâtre du Rond-Point.

Texte : Howard Barker
Mise en scène : Claudia Stavisky
Comédiens : David Ayala, Frédéric Borie, Eric Caruso, Christiane Cohendy, Anne Comte, Luc-Antoine Diquéro, Philippe Magnan, Julie Recoing, Richard Sammut

Genre : Théâtre
Public : Adulte
Durée : 2h15

Il y a tant à voir à Paris qu’il faut bien choisir. A cette fin, je me suis constitué mes propres critères de sélection : un lieu qui a su me fidéliser grâce à la qualité de sa programmation ; un metteur en scène ou une compagnie dont j’aime à suivre le travail ; à défaut, un titre percutant augmenté d’un synopsis non moins alléchant. "Tableau d’une exécution" répond à la dernière proposition. Malheureusement, mes critères ne sont pas infaillibles et c’est uniquement parce que j’étais accompagnée que je suis restée jusqu’à la fin !

J’aurais tendance à incriminer, dans ce fiasco, le texte. C’est un condensé de réel et d’invention. L’héroïne de la pièce est la figure tout à fait historique de la peintre Artémisia Gentilechi (1593-vers 1652). L’épisode retenu est, sauf erreur de ma part, inventé : la réalisation, à la demande du conseil de Venise (elle y a bien résidé) d’une toile commémorant la bataille de Lépante. Cette entorse à l’Histoire permet à l’auteur d’approfondir le thème du féminisme : outre l’incongruité, au XVIIe, d’une femme peintre, cet ajout questionne la vision non moins dissonante du deuxième sexe sur la guerre et le pouvoir. Tous les ingrédients étaient réunis pour me plaire, étant peintre de mon état et femme plus que de tendance féministe. Mais le texte ne fait que véhiculer des clichés éculés et anachroniques. Tout y passe depuis la peintre visionnaire forcément inadaptée socialement à la réception houleuse de son œuvre en passant par le refus obstiné de quelque compromis que ce soit. Ces poncifs m’ont d’autant plus exaspérée qu’ils contribuent au paradoxe actuel : un engouement du public "pour les grandes expos", la nouvelle mode des biopics de peintres et à présent une pièce alors que dans la réalité bien triviale celle-là les peintres peinent ne serait-ce qu’à montrer leur travail.

Mais le texte théâtral n’est peut-être que ce que le metteur en scène en fait. Le dispositif scénique est beau. La pièce s’ouvre sur une reconstitution d’atelier, lumineuse. Peu à peu le plateau se vide, ne laissant place qu’à un cyclo qui montre la progression du travail en cours. Soit que le tableau n’existe pas en réalité (hypothèse plus que probable), soit que le metteur en scène ait voulu conceptualiser "la cascade de sang" que la guerre inspire à la peintre, l’œuvre finale est montrée sous la forme d’une vaste tenture rouge. C’était l’excellente idée du spectacle, la seule ! Les neufs comédiens - certains endossant plusieurs "petits rôles" - déclament tantôt avec emphase tantôt sur le mode du vaudeville. Les personnages sont campés de façon caricaturale : l’archevêque aboie bêtement son inquisition ; le général héroïque de Lépante parle d’une voix nasillarde car, aux yeux d’Artémisia, ce n’est qu’un vulgaire petit nazi sanguinaire et narcissique. Seul Philippe Magnan sait trouver, dans l’incarnation du doge, une certaine hauteur de jeu qui rend le personnage à la fois bonhomme, ridicule, puissant. Il sauve une pièce qui ne sait pas trouver son rythme et qui n’en finit pas de finir.

Le spectacle "Tableau d’une exécution" partait avec de bons atouts : une thématique intéressante, un bel espace scénique, des comédiens confirmés. Mais la mise en scène aboutit à l’exact inverse de son modèle. Alors qu’Artémisia se bat pour faire surgir la vérité de son art et de son sujet, la représentation donne à voir une tonalité fausse, si fausse qu’elle en devient ridicule… et drôle. Un comique malgré soi et qui a manifestement échappé à la note d’intention.

Catherine Wolff

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