Atelier 29
18 févr. 2018
Un spectacle produit par le CNAC (51) et la Compagnie Les Mains les Pieds la Tête Aussi (69), vu le 3 février 2018 à la Villette.
Mise en scène : Mathurin Bolze
Circassiens : Antonin Bailles, Inbal Ben Haim, Fraser Borwick, Corentin Diana, Leonardo Duarte Ferreira, Anja Eberhart, Tommy Edwin Entresangel Dagour, Joana Nicioli, Noora Petronella Pasanen, Thomas Pavon, Angel Paul Ramos Hernandez, Silvana Sanchirico, Emma Verbeke
Genre : Cirque
Public : Tout public
Durée : 1h30
Avec "Atelier 29", mis en scène par Mathurin Bolze, je viens de renouer avec une tradition trop longtemps abandonnée, à tort : la découverte du spectacle de fin d’études des jeunes circassiens diplômés du CNAC.
"Atelier 29" est un titre qui fait sens : 29 comme la 29e promotion du CNAC, composée de 13 jeunes gens, 6 garçons et 7 filles, fraîchement adoubés du sceau de l’excellence. Atelier car pour relever le défi de l’exercice qui consiste à faire la promotion de la promotion, dans son entité et dans la mise en valeur de chacun, Mathurin Bolze a opté pour une création collective. Outre la partie proprement circassienne, chacun a été partie prenante de la création dans son ensemble. En outre, Mathurin Bolze a convié six étudiants de l’ENSATT à s’emparer de la partie technique : scénographie, son, lumière et costumes.
Le spectacle semble raconter l’histoire d’un pays d’Amérique latine, oscillant entre l’intime et le politique. D’oscillations, il en est question tout du long par le choix de la scénographie. Les 13 jeunes gens évoluent la plupart du temps sur un, deux ou trois plateaux suspendus. Ce sont des planches, plus ou moins ajourées qui montent et qui descendent, qui oscillent ou se balancent, qui dessinent tantôt un intérieur, tantôt les grilles d’une prison. Assorti d’un travail sur la lumière très poussé et d’une ambiance sonore recherchée, ce dispositif scénique, très simple et ingénieux, ouvre des possibles tout à fait inattendus en termes d’espaces mais aussi de jeux circassiens. L’acrobatie règne en maître ainsi que l’aérien représenté dans quasiment toute sa palette : tissu aérien, corde molle, corde volante et sangles. On verra aussi, mais de façon plus fugace, du mât chinois (juché sur les palettes en suspension !), de la roue Cyr et du cycle.
"Atelier 29" donne à voir des tableaux de toute beauté : ainsi ce plateau métamorphosé en intérieur modeste des années 1970 où un couple évolue dans une certaine tension, tandis qu’au tissu aérien une jeune femme enchaîne des figures saccadées ; figures saccadées qu’un couple reprend en portés acrobatiques d’une grande sensualité. Ou encore cette scène qui évoque la dictature : sur un plateau en hauteur inondé de lumière rouge, 4 jeunes femmes tendent les bras à la cinquième qui tente de se défenestrer tandis qu’au sol, dans une lumière blanche et crue, les hommes sont prisonniers d’un cadre qui se referme sur eux comme le feraient les grilles d’une prison. Le tout dans un grand bruit de bottes, crescendo. L’effet est saisissant. Les "numéros individuels" ne sont pas en reste, à commencer par une voltigeuse à vélo qui aime à renverser les rôles et à tenir à distance la gente masculine avec beaucoup d’humour. Si je mets les guillemets aux numéros individuels, c’est qu’ils ne le sont jamais vraiment car ils s’inscrivent dans une narration plus large et que les transitions, en amont et en aval, très soignées, interdisent "le" numéro.
Pour que je sorte totalement emballée, le spectacle aurait gagné à être raccourci d’une bonne demi-heure. Il est un moment où le dispositif devient répétitif pour ne pas dire systématique. L’humour qui imprégnait tout d’abord le spectacle tend à disparaître au profit d’une voix off qui distille une atmosphère "bobo-conceptuelle". Une ambiance à laquelle j’ai bien moins adhéré mais parfaitement assortie aux costumes… Par ailleurs, je trouve que les garçons étaient trop cantonnés à l’acrobatie dansée.
Mis à part ces quelques réserves, "Atelier 29" est une réussite en ce qu’il promeut à merveille la dernière promotion de CNAC. Les images fortes créées par les étudiants de l’ENSATT et Mathurin Bolze magnifient le talent de tous et de chacun.
Catherine Wolff