Les soeurs K
01 mars 2018

Spectacle de la compagnie 3 pièces-cuisine (38), vu le 27 octobre 2017 à 20h30 au Théâtre de l’Oulle (Avignon 84).
Avec : Sarah Barrau et Bérangère Mehl
Régie : Claire Villard
Mise en scène : Gérald Garnache
Genre : Clown
Public : tout public (déconseillé aux moins de 12 ans)
Durée : 1h10
Trois douces foldingues nous accueillent dès l’entrée du théâtre, trois clowns aux personnages bien marqués et qui font monter doucement l’ambiance… On attend une retardataire, et nos trois clowns jouent avec le public avec aisance et mordant. Gisèle, la cheffe à la langue bien pendue, accompagnée de l’acrobate gymnaste bien en chair et très décalée et enfin la régisseuse/secrétaire quelque peu dépassée et qui veut absolument que tout se passe bien…
Voilà que le cabaret peut commencer, un cabaret qui, selon la régisseuse qui joue le rôle de présentatrice, fait écho au parcours du comédien, façon Jean Vilar 1962. Nous voilà prévenus ! Les deux autres comédiennes nous présentent alors un cabaret varié et drôle ; somme toute très classique mais porté par un brillant duo qui recycle avec brio des numéros traditionnels. Elles sont formidables et campent leurs personnages avec naturel et inventivité. Leur numéro de magie avec les bouteilles qui n’en finissent pas de surgir dans les tubes (et qu’elles goûtent à chaque fois !) fonctionne très bien, comme leur costume d’éléphant, touchant et visuellement efficace. Elle ré-inventent et s’approprient ces numéros archi-vus.
Mais leur inventivité ne s’arrête pas à leur jeu, très bon. Elle s’amusent aussi à mélanger les genres. Quand Gisèle sur son fauteuil roulant, nous offre une séance de plaisir solitaire pour tester le fonctionnement du micro, elle mouille vraiment la chemise ! (oups... pardon !) Il fallait oser ! Cela lui permet d’enchaîner sur une chanson sur le plaisir féminin et un vibrant hommage au clitoris, agrémentée d’une chorégraphie très illustrative. Tout cela dans une délicatesse clownesque qui en fait un exercice très original.
Dans un tout autre registre, sa compagne nous offre une chanson réaliste qui a percuté la salle, surprise de ces changements de registres. Une chanson sur la différence, sur l’exclusion, "Orthopédia, Jambe de bois", chantée a cappella, magnifique de réalisme et de violence contenue. Un changement d’univers glaçant qui a laissé le public groggy pendant plusieurs minutes après la fin du numéro.
Il faudra tout le talent des comédiennes pour retrouver le public dans son dernier numéro de découpe, sanguinolent à souhait et plein de trouvailles et d’entrailles...
Bref, c’est "couillu", et ça fait plaisir de voir ces jeunes comédiennes qui osent sortir du registre finalement parfois top étriqué du clown, même pour adultes. Bravo pour cette proposition classique et ambitieuse à la fois. A découvrir au plus vite, en limitant l’accès au moins de 12 ans, c’est mieux quand même !
Eric Jalabert