Peer Gynt

 

Spectacle produit par les Bouffes du Nord (75) et le CDN de Nice (06), vu le 16 février 2018 au Théâtre des Bouffes du Nord.

Mise en scène : Irina Brook
Texte : d’après Ibsen
Comédiens : Helene Arntzen, Frøydis Arntzen Dale, Diego Asensio, Jerry di Giacomo, Scott Koehler, Mireille Maalouf, Roméo Monteiro, Damien Petit, Margherita Pupulin, Pascal Reva, Augustin Ruhabura, Gen Shimaoka, Shantali Shivalingappa et Ingvar Sigurdsson

Genre : Théâtre musical
Public : Adulte
Durée : 2h45 avec entracte

De "Peer Gynt", je ne connaissais jusqu’à présent que la version musicale d’Edward Grieg. Je n’avais jamais lu l’original, la pièce d’Ibsen. Irina Brook la présentait dans une adaptation collective où Peer Gynt dans sa quête du moi deviendrait PG, alias Iggy Pop. Tous les ingrédients d’une belle promesse étaient réunis pour que j’aie envie d’y assister.

Quelle gageure que de monter "Peer Gynt". Comment rendre compte de ce poème épique prolifique, protéiforme et qui fait fi des unités de lieu, d’action et de temps ? Ils étaient 14 artistes internationaux sur scène pour s’emparer de la bête. 14 et tous polyvalents : dans les rôles bien sûr, sauf l’excellent Ingvar Sigurdsson dans le rôle de Peer Gynt qui se suffit à lui-même, mais aussi dans les pratiques artistiques (comédiens, musiciens, chanteurs et danseurs). Le tout en anglais surtitré.

Irina Brook a relevé le défi de tout montrer, sur le plateau somme toute assez petit des Bouffes du Nord, dans une grande économie de moyens. Le dispositif scénique se résume à des confettis de neige, une mezzanine métallique, une petite scène pour la musique. Les changements de lieux se font par l’ajout de quelques accessoires – table de buffet, petit lit, chaises et praticables généralement sous forme d’échelles plus ou moins customisés. La lumière, les costumes, la musique et le jeu font le reste. Tout est question de conventions tacitement acceptées. Ainsi, Peer Gynt laisse en plan sa mère sur un toit. Le toit est une simple chaise et on y croit !

Dans ce travail authentiquement théâtral, le texte – tant musical que littéraire – n’est pas en reste. Il faut saluer la façon dont les différents matériaux ont été agencés pour se répondre et s’enchaîner. Les thèmes de Grieg sont arrangés à toutes les sauces (du petit ensemble classique au bandonéon) et apportent une note de nostalgie obsessionnelle ; les textes de Sam Shepard et les chansons d’Iggy Pop trouvent naturellement leur place comme s’ils étaient des éléments intrinsèques de la pièce.

Je n’avais pas vu le travail d’Irina Brook depuis fort longtemps. J’en avais gardé le souvenir d’une grande irrévérence, d’un plaisir malin à désacraliser les pièces du répertoire pour en faire des parodies joviales, grotesques et dynamiques. Pas ma tasse de thé, a priori, mais, au-delà de mes goûts personnels, des propositions hautes en couleur. C’est dans cette perspective que je m’étais conditionnée pour "Peer Gynt" et je n’aurais sans doute pas dû.

Pour le coup, la première partie m’a parue molle, factice et datée. J’avais l’impression de voir du théâtre des années 1980 à la façon de Mouchkine ou de Paul Golub. Il manquait du son et l’épisode des trolls, si fort dans la musique de Grieg, m’a paru ici bien fade. L’entracte a sans doute eu pour mérite de me laver les yeux et la seconde partie m’a emballée. J’y ai trouvée des moments de bravoure, tels le concert de PG, alias Iggy Pop, ou bien ce superbe numéro de pantomime qui raconte l’une des nombreuses hallucinations de Peer Gynt. L’émotion a enfin surgi comme lors de la scène des retrouvailles entre Solveig et Peer Gynt. L’humour a pointé son nez au moment de la conférence de presse de Peer Gynt en PG : le comédien français qui l’interviewait en anglais a bien fait rire la salle avec son accent bien frenchie. Enfin, les scènes collectives ont paru plus incarnées comme la scène de l’asile et de l’empereur des fous.

"Peer Gynt", adapté et mis en scène par Irina Brook, offre un beau moment d’invention théâtrale : le matériau littéraire et musical est habilement travaillé, la mise en scène est ingénieuse, le visuel est beau, le jeu est mis à l’honneur. La promesse initiale est globalement tenue.

Catherine Wolff

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