La fabuleuse expédition du Professeur Ferguson
08 juin 2018Spectacle de la Cie Noir Titane (34), vu le 17 Déc. 2017, 15h, au théâtre Télémac, Nîmes (30).
Création de Christel Claude, librement inspirée d’œuvres de Jules Verne (1828-1905).
Mise en scène : Christel Claude
Avec : Justine Boulard et Julien Assemat
Création lumière : Lucas Baccini
Création musicale : Skeleton Band
Public : Tous dès 6 ans
Durée : 50 min.
Jauge variable (spectacle autonome et tout terrain)
Sortie de création
Le Professeur Ferguson, scientifique passionné, part en expédition à la recherche d’une méduse phosphorescente. A bord de son sous-marin, il descend au fond de l’océan, poursuivant sa quête obsédante. Catastrophe ! Une passagère clandestine s’est glissée à bord : Jenny, jeune orpheline poussée par le goût de l’aventure. L’insatiable curiosité et les fantaisies de l’enfant agacent Ferguson. On ne plaisante pas avec la science et le pilotage du sous-marin est périlleux. On frôle la catastrophe. Dans ce huis-clos étonnant ces deux personnages contrastés provoquent des situations cocasses. Progressivement le très sérieux professeur perçoit qu’une même solitude et une même curiosité les animent tous deux. Son hostilité première laisse la place à une affection pudique, à de l'entraide et à un émerveillement commun à la découverte de la méduse. La curiosité scientifique et le style de J.Verne sont ici mis au goût du jour avec drôlerie et émotion. Mystères et rebondissements sont au rendez-vous de cet excellent spectacle accompagné par une musique syncopée : à ne pas rater !
Inspirée librement par "20 000 lieues sous les mers", "Cinq semaines en ballon" et "Les Forceurs de blocus", Christel Claude mêle des notions biologiques actuelles aux propos gentiment pontifiants de Ferguson. J’ai apprécié cette adaptation pleine d’humour qui provoque immédiatement l’intérêt. L’extravagance du héros dans sa quête obsessionnelle, la présence de techniques scientifiques, l’inventivité des accessoires, un certain suspense et quelques péripéties bien amenées nous plongent dans l’ambiance de J.Verne. C’est l’aventure, avec panne de moteur, pieuvre géante, peur et solutions rapides à tous les problèmes ! Excellente idée que de "glisser un caillou dans la chaussure du professeur" avec le personnage de Jenny ! Elle apporte du "terre-à-terre", de la fantaisie, bref de l'humanité : elle a faim, elle furète et questionne ! Nous assistons à de savoureux échanges entre ces deux caractères opposés en apparence mais qui se révèlent si proches. Les dialogues et le jeu théâtral font évoluer avec subtilité leur confrontation initiale vers une découverte de l’autre, dans un mélange de drôlerie et de tendresse.
Les deux comédiens sont parfaits dans des rôles assez périlleux. Sérieux et loufoque à la fois, J.Assemat donne progressivement de l'épaisseur à un personnage dont le verbiage (allégé !) et les obsessions scientifiques sont très typées "J.Verne". Seul en scène au début, il se montre absorbé par des manipulations d'engrenages complexes. Un accompagnement musical cadencé souligne sa gestuelle rythmique, son silence et sa concentration. Dès l’irruption de l’enfant, son irritation puis ses changements d’humeur, entre réticence, attendrissements et fatigue, sont drôles et pleins d'à-propos. J.Boulard joue très juste l’insouciance enfantine mâtinée de gravité, le flirt avec le danger, la curiosité, la peur. C’est nuancé, amusant, souvent attendrissant. Un humour subtil sous-tend le spectacle, sans pour autant distancier le jeu des comédiens. Comment dire ? Ils sont tous deux crédibles !
La scénographie est visuelle, rythmée, avec un important jeu de lumières et un décor bien choisi. Bruitages et musique (excellente) accompagnent parfaitement les péripéties. Par exemple, l’accident du sous-marin est particulièrement bien orchestré : c'est un choc violent ! Et même si quelques problèmes techniques ont émaillé cette sortie de création, j’ai été enchantée.
Noir Titane emmène le public dans une visite modernisée originale et pleine d’humour des œuvres de J.Verne. L’adaptation respecte l’esprit d’aventure et de découverte, la curiosité scientifique, la tension dramatique et une certaine extravagance propres à l’auteur. A tout cela s’ajoute une ouverture à l’autre qui donne une profondeur émotionnelle. Excellent moment de théâtre tant pour les jeunes que pour les moins jeunes. Peut-être même que l’on peut en sortant décider de (re-)lire J.Verne !
La compagnie propose diverses formules selon le terrain et la jauge, un dossier pédagogique et la possibilité d'ateliers..
Programmé au Collège de la Salle, Avignon Off 2018
Catherine Polge