La violence des riches
24 juil. 2018
Spectacle de la compagnie vaguement compétitifs (60), vu le 21 juillet 2018 au Théâtre des Carmes à 11h25, dans le cadre du festival d’Avignon Off 2018.
Conception et écriture : Stéphane Gornikowski
D’après les travaux de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot
Mise en scène : Guillaume Baillart
Interprètes : Lyly Chartiez-Mignauw (en alternance avec Louise Wailly), Grégory Cinus et Malkhior
Genre : Théâtre
Public : tout public à partir de 14 ans
Durée : 1h10
La particularité des Pinson-Charlot, sociologues et anciens directeurs de recherche au CNRS, c’est qu’ils travaillent sur la (très) grande bourgeoisie depuis trente ans, et que leurs recherches documentées et sérieuses font apparaître que cette classe dominante s’appuie sur les inégalités croissantes de la société pour en faire un levier de leurs propres intérêts. Il existait déjà une BD sur le sujet ("Riche, pourquoi pas toi ?" aux éditions Dargaud), qui complète les nombreux ouvrages qu’ils ont écrits, voici une autre façon de faire entendre leur analyse. Je voulais voir ce spectacle présenté ici dans une version réactualisée.
Première surprise : il s’agit d’un vrai spectacle, jouant avec les codes du théâtre, l’humour, le décalage, et non pas d’une « conférence mise en forme » comme je le craignais un peu. Le spectacle démarre très vite avec deux comparses infiltrés dans les spectateurs - on peut spoiler ici -, qui nous permettent de rentrer dans le vif du sujet : la question de l’argent nous taraude tous et nous sommes tous un peu en contradiction avec nos positions intellectuelles. Pour couper court à cela, les deux comédiens nous distribuent des questionnaires (tirés des ouvrages des auteurs) qui nous font comprendre que nous ne sommes pas dans le même monde que ceux dont on parle. C’est une belle entrée en matière.
S’enchaînent ensuite de nombreux tableaux, comme celui du BUR PP , le BUReau de Partage des Privilèges - inconcevable utopie -, ou celui où ils énumèrent l’état des actions menées par les riches dans cette guerre qui ne se nomme pas : juridique, médiatique, sens des mots, arts… Tout est argumenté de faits et l’actualité récente illustre parfaitement le propos. Ils sont sur tous les fronts. Mais vous le savez sûrement.
Les nouveautés… c’est que cela continue, en pire. Que les Pinson-Charlot sont traités d’utopistes, de terroristes, voire - injure suprême désormais - de complotistes. Qu’ils radicalisent leurs propos tant ils sont outrés de voire l’évolution de nos sociétés. Mais aussi que, de toutes parts, des résistances émergent, des combats se mènent, des convergences se créent… Mais cela demande un investissement de chacun pour construire ensemble et ne pas laisser aux autres, la responsabilité de faire à notre place. Pour avoir œuvré à de nombreux projets en ce sens, je me questionne. Sommes-nous prêts ?
C’est sur cette question que le spectacle nous laisse.
Un spectacle nécessaire et salutaire néanmoins à faire partager à ceux qui s'intéressent à ces questions, mais surtout aux autres pour continuer d'ouvrir les consciences.
A noter qu’un spectacle jeune public a été créé en 2018 intitulé "Pourquoi les Riches".
Eric Jalabert