Un pays dans le ciel
dossier de presse
Photo de Christophe Raynaud de Lage

Un spectacle produit par La compagnie du Veilleur (86, Poitiers) vu le 28 septembre 2018 à la Scène Thélème (Paris 17e)

Mise en scène : Matthieu Roy
Texte : Aiat Fayez
Comédiens : Hélène Chevallier, Gustave Akakoo, Aurore Déon

Genre : Théâtre
Public : Adulte
Durée : 50 minutes

Ce qui est bien quand on est correspondante pour l’Adadiff, et un peu curieuse, c’est que l’on fait des découvertes, parfois improbables. En l’occurrence, un nouveau lieu au concept innovant : à deux pas de l’Etoile, se cache, partie prenante d’un restaurant étoilé au Michelin, une petite salle de 50 places, la scène Thélème. Il s’y produit du beau monde entre Denis Lavant et Gauthier Fourcade. Ce ne sont pas les têtes d’affiche qui m’ont attirée dans ce lieu sélect où la billetterie laisse voir une belle toile d’Alechinsky, mais le programme envoyé par l’agence d’Elektron libre. C’est elle qui diffuse "Un pays dans le ciel" au synopsis alléchant. Et comme les grosses structures dont je suis plus coutumière n’ont pas grand-chose à m’offrir ces temps-ci, je me suis laissé tenter et j’ai plutôt bien fait.

Le patron de céans accueille le public et joue au Monsieur Loyal avec bonhomie et enthousiasme. Nous sommes 26 pour assister, un comble en ce lieu sis dans les très beaux quartiers, à un spectacle sur le droit d’asile et dont le texte est le résultat d’une commande d’écriture à Aiat Fayez.

Le texte laisse entendre deux niveaux de récits. Le premier est autobiographique. L’auteur, fort de son ancien statut de demandeur d’asile, est devenu écrivain de cette histoire, l’exil. Il a pu, dans le cadre de cette commande, pénétrer dans le Saint des Saints, alias le bunker, le siège de l’Ofpra à Fontenay-sous-Bois et assister aux entretiens. Le second niveau de texte est donc constitué de ce matériau.

Le dispositif scénique est réduit à sa plus simple expression : un double frontal qui dessine un espace scénique large comme un corridor. La proximité avec les comédiens est donc extrême d’autant plus que le spectacle se joue en lumière, sans décor, avec juste quelques accessoires : l’enveloppe kraft fatiguée, une matraque-torche, une chaise, un tabouret et… le très perturbant "duvet habité" du début que le public en train de s’installer manque de heurter à chaque pas.

Parce que l’entretien avec l’officier de la République est crucial et que l’humain en est l’enjeu, le spectacle privilégie le jeu. Ils sont trois pour incarner à tour de rôle le demandeur d’asile, l’officier de l’Ofpra et le traducteur. Deux femmes et un homme. Les changements de rôle dynamisent la pièce. Les cas interprétés dans la langue du demandeur, en l’occurrence en ukrainien et dans une langue africaine, donnent une dimension plus vraie que nature. Ce sont les deux cas que j’ai préféré écouter. Pour ce qui est de l’ukrainien, la performance d’acteurs est vraiment très réussie. Pour le second cas, c’est le contraste entre le dire en langue africaine (très doux telle une mélopée) et la traduction (la violence du vécu) que je trouve formidable. J’ai aussi apprécié le discret didactisme de la pièce et le refus du manichéisme. Les officiers de l’Ofpra ne sont pas tous de grands méchants, loin de là, et on assiste à leurs doutes parfois, à leur bienveillance souvent, à leur désarroi quand, en mission en Italie, ils apprennent le naufrage d’une embarcation.

Le choix a donc été, semble-t-il, de mettre l’accent sur le factuel. A moins que la forme même de la pièce, le déroulé des entretiens réels et la configuration de la scène n’imposent ce réalisme. Ce n’est pas "spectaculaire" pour un sou et l’émotion est rare. C’est peut-être mieux pour transmettre mais cela a manqué à la spectatrice que je suis.

"Un pays dans le ciel" est une petite forme, dans un lieu presque confidentiel ; un spectacle réussi et qui a le mérite de mettre en lumière ce que beaucoup préfèrent occulter. C’est un travail plaisant à regarder même s’il manque un peu, à mon sens, d’émotions.

Catherine Wolff

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