Bells and Spells
23 avr. 2019
Un spectacle produit par la Compagnie Bells and Spells (Paris) vu le 16 avril 2019 au Théâtre de l’Atelier (Paris XVIII°)
Mise en scène : Victoria Thierrée Chaplin
Comédiens : Aurélia Thierrée, Jaime Martinez,…..
Genre : théâtre d’objets
Public : tout public
Durée : 1H10
Voilà une ineptie de régler ! Alors que j’habite à 15 minutes du théâtre de l’Atelier et que je travaille dans la rue qui lui est parallèle, je n’y étais jamais allée. Il faut dire que je ne suis pas friande du « théâtre tête d’affiche ». Mais changement, pérenne (?), de ligne éditoriale, l’Atelier a convié la famille Thierrée Chaplin, à se produire en les personnes de Victoria et d’Aurélia. C’était l’occasion ou jamais de visiter ce petit théâtre à l’italienne, dont l’intérieur n’a rien à envier à la jolie façade et à la placette qui lui servent d’écrin. Outre l’adorable accueil qui a été réservé à l’Adadiff, j’ai pu découvrir ce nouvel opus, de toute beauté.
C’est l’histoire d’une jeune femme. Est-ce une princesse désargentée des années folles ? Est-ce une nouvelle Alice au pays des merveilles ? Est-ce au final une simple lavandière napolitaine du XVIII° que son mari a bien du mal à raisonner ? Est-ce une jeune femme contemporaine borderline. Toutes ces figures sont plausibles puisqu’elles sont données à voir. Mais qu’importe ! Elle est une jeune femme à l’imaginaire puissant, qui vole – et sa cleptomanie n‘en n’est qu’une métaphore- d’une époque à l’autre, d’un univers à l’autre, éprise de liberté et de rêve.
Aurélia Chaplin est donc l’héroïne de ce conte. Elle sait tout faire : danser, manipuler des marionnettes (à gants ou à fil), mimer, jouer, charmer. Elle excelle dans le transformisme. Elle est accompagnée de l’excellent danseur Jaime Martinez qui n’est pas en reste quant à la pluralité des talents. Trois comédiens régisseurs de plateau complètent la distribution. Il convient de rajouter Victoria Thierrée Chaplin tant la magie qu’elle insuffle aux décors, aux accessoires et aux costumes la rend omniprésente.
Puisque notre jeune femme n’a de cesse de s’échapper, il n’y a pas un décor mais des décors. Ils sont posés de la façon la plus simple du monde : des châssis sur roulettes, revêtus de tentures. Quelques accessoires et une riche bande son peaufinent l’atmosphère désirée. Après l’acmé de la forêt de porte-manteaux, le plateau se dépouille pour ne laisser place qu’à des draps et tentures en cintre puis à un puits de lumière. Entre temps, les décors auront révélé toute leur ingéniosité, les accessoires se seront découverts coquins et les costumes auront permis toutes les métamorphoses !
Les péripéties sont si nombreuses qu’il serait laborieux de toutes les rapporter. Il y a d’ailleurs, à mon sens, quelques longueurs. Mais six tableaux ont particulièrement retenu mon attention et méritent à eux seuls le détour. Il y a d’abord trois scènes dansées : un tango sauvage, la « danse de la bouteille » au cours de laquelle le jeu de claquettes de Jaime Martinez renforce la rage de l’amoureux éconduit, un superbe duo amoureux tout en portées. Il y a ensuite un véritable tableau vivant. Un portrait de princesse du XVII° attire le regard de notre demoiselle qui aussitôt se transpose dans la scène. La voilà princesse en robe à crinoline, sur un trône, entourée d’un décor, à l’identique de la peinture. Hommage à Jean-Baptiste Thierrée, c’est une scène hallucinatoire et désopilante. Par une fente discrète dans la tenture, la tête de la princesse est remplacée tantôt par une tête d’homme, tantôt par la tête du petit chien. La tenture à têtes coulissantes quitte le corps dont les mains, pourtant, continuent à se mouvoir ! Autre tableau, autre performance théâtrale. Cette fois, notre jeune femme se retrouve, pour répondre de ses larcins à répétition, devant trois juges. Ce sont trois marionnettes grandeur nature, à tête d’applique. La prisonnière les actionne par les filins qui l’entravent. Enfin, Victoria Thierée Chaplin nous offre à voir une de ses créatures bizarres dont elle a le secret, faite d’un assemblage improbable de porte-manteaux : notre jolie princesse quitte la forêt enchantée sur le dos d’un griffon articulé. L’image est saisissante.
« Bells and spell » est un spectacle puissant, drôle et onirique. C’est une ode à la liberté et à l’imaginaire.