J'arrive en fuyant
18 juin 2019Spectacle produit par la Cie Amère Babel, vu le vendredi 29 avril 2019 au Centre Paris Anim’ Les Halles (Paris I°).
Choregraphie : Baya Noun.
Danseurs : Olivier Bonnard. Margot Lamy. Ginot Tojiva
Genre : Danse.
Lumieres : Rémi Prin
Durée : 1H30
Ce moment partagé avec ces trois danseurs est un rappel à la vie menée par les migrants, incorporant la peur, la joie, parfois fugace, et les questions d’identités.
Nous arrivons devant un espace scénique très sobre, constitué uniquement d’un petit tas de galets blancs sur le devant de la scène, éclairé par une douche lumineuse, et d’une guirlande de plume dans le fond. Les danseurs sont déjà sur scène alors que le public s’installe : ils sont mobiles, ils discutent, ils s’entraînent, mais n’interagissent pas avec le public. Après les paroles de la chorégraphe qui avoue vouloir donner plus d’ampleur à son spectacle en y ajoutant plusieurs danseurs, le noir se fait et la magie opère.
Plusieurs tableaux s’enchaînent, tous très différents les uns des autres, mais exprimant différentes émotions pouvant être ressenties par ceux dont il est effectivement question. La chorégraphie nous fait voyager entre la fuite, la peur, la différence, la douleur, l’insouciance de la jeunesse, les souvenirs, le rejet, le mensonge. Le spectateur est complètement happé dans ce cocon de souvenirs et de sentiments. La musique, créée par Matthias Froidefond, Ginot Tojiva et Ali Benmoussa, et qui se mélange parfaitement avec ce qui se déroule sur la scène n’est pas étrangère à ce ressenti. Répétitive, avec des variations presque imperceptibles, elle emporte tout avec elle, qu’elle soit oppressante, ou plus douce.
La perte de repères, l’incompréhension face à la guerre, et l’espoir presque idyllique de retrouver une vie normale sont représentés. Le lien qui rattache à ce qu’est la « maison » est brisé, Impossible d’y vivre, impossible de la quitter. On ressent une vraie dualité à travers les trois danseurs, partagés entre toutes ces émotions. Ils sont tous trois dans une véritable osmose, comme s’ils se confondaient presque en une seule personne. Ils sont à la fois tout le monde, et à la fois personne.
La musique est entrecoupée par des témoignages en voix additionnelles, qui se mêlent au mouvement. Ces voix sont interprétées par Olivier Bonnard, Nicole Bouhired, Redha Bouhired, Matthias Foidefond, Margot Lamy, Serena Moccafighe, Ginot Tojiva et Baya Noun elle-même. Au début, le discours rapporté par les voix est tellement fondu dans la musique qu’il est impossible de comprendre les paroles, et puis, petit à petit, la phrase prend forme. Ces témoignages donnent encore plus de force à la scène. « Je suis le témoin du massacre » et « le martyr de la cartographie », notamment, résonnent dans la mémoire des spectateurs
La compagnie nous fait voyager dans les émotions à travers les différents personnages, forcés de voir la réalité; le spectateur repart bercé par la musique qui résonne encore. Le message fort qui découle de cette pièce n’est pas fait pour ne durer que le temps de la représentation. Il est fait pour s’imprégner et mène à une réelle réflexion.