Retours et le père de l'enfant de la mère
18 juin 2019
Un spectacle produit par le Quai (CDN Angers pays de la Loire) vu le 15 juin 2019 au Théâtre du Rond Point (Paris, VIII°)
Texte : Fredrik Brattberg
Mise en scène : Frédéric Bélier-Garcia
Comédiens : Jean-Charles Clichet, Camille Chamoux, Dimitri Doré
Genre : théâtre
Public : adulte
Durée : 1H30
Le mois de juin est décidément propice aux jolies découvertes ! Ce soir deux petites pièces inédites en France : « Retours » et « le père de l’enfant de la mère » du norvégien Frédrik Brattberg.
Les deux pièces ont en commun le thème de la parentalité. « Retours » est un conte cruel et absurde. Un couple fait le deuil de son fils disparu, Gustav. Mais Gustav réapparait. Les parents reprennent « leur vie de tous les jours ».Puis Gustav disparaît à nouveau et à nouveau réapparaît. Et ainsi de suite jusqu’à ce que les parents, toujours plus froids et indifférents devant cet éternel retour, finissent par faire disparaître l’ado une bonne fois pour toute. « Le père de l’enfant de la mère », plus ancré dans la réalité, n’en n’est pas moins acerbe. La pièce raconte la compétition sournoise que se livrent les parents pour obtenir l’amour exclusif de leur bébé.
Le dispositif scénique est simple et ingénieux. Dans « Retours », des cloisons dessinent un intérieur des années 70. Côté cours, la cuisine en formica ; côté jardin, le salon avec baie vitrée et canapé. Le téléphone à fil est l’accessoire central. Pour passer au second opus, la baie vitrée devient support photo d’un cliché réunissant papa, maman et bébé au lit. Pendant ce temps, les techniciens déchassent les cloisons et dessinent avec les cadres munis de néons oranges un nouvel intérieur, ouvert sur l’extérieur. Le poupon, le vélo et le vase constitueront les trois nouveaux accessoires de jeu.
Dans les deux pièces, la langue de Fredrik Brattberg use à l’envie de répétitions. Cette mélopée étrange, faite de répliques et de scènes qui se rejouent avec d’infimes variations, augmente l’intensité dramatique, inverse les points de vue, et fait terriblement rire. Dans « retours », les vacheries s’enchaînent et vont crescendo ; dans « le père de l’enfant de la mère », les petites phrases du quotidien répétées à la nausée génèrent un malaise insoutenable. C’est une partition en or pour trois comédiens d’excellence. D’une intonation ou d’une gestuelle discrète, ils soulignent toute la nuance du non-dit de la répétition. Dans le non-dit, Dimitri Doré qui manipule la marionnette de la petite Frida (l’enfant du deuxième couple) est stupéfiant.
« Retours » et « le père de l’enfant de la mère » ont été réunis avec bonheur. Les deux pièces, merveilleusement interprétées et mises en scène, résonnent au plus profond de notre propre expérience de parent.