Sacré, sucré, salé

Un spectacle produit par la compagnie L’oubli des cerisiers (95 L’Isle Adam) vu le 14 juin 2019 au Théâtre de la Reine Blanche (Paris, XVIII°)

 

Texte : Stéphanie Schwartzbrod

Mise en scène : Stéphanie Schwartzbrod et Nicolas Struve

Comédien : Stéphanie Schwartzbrod

Genre : théâtre

Public : tout public

Durée : 1H20

 

 

Les théâtres nationaux que j’ai coutume de fréquenter ont la fâcheuse manie de condenser leur saison entre octobre et mai. A mauvaise fortune, bon cœur : c’est l’occasion d’aller découvrir ce qui se passe dans des  salles plus modestes, notamment celles de mon quartier. Le théâtre de la Reine Blanche est de celles-là. Elle proposait « sacré, sucré, salé ». L

a note d’intention m’a séduite. Et ce n’était pas qu’un charme factice.

 

Stéphanie Schwartzbrod nous propose un étonnant voyage culinaire et spirituel. Pourtant, elle nous explique d’entrée de jeu, après avoir accueilli le public derrière ses fourneaux, qu’à priori, il n’est rien de plus antinomique que nourriture et pensée. Tout le spectacle consiste à montrer, au contraire, combien les plats sont intimement liés aux religions et combien ils en révèlent la saveur.

« Sacré, sucré, salé » égrène donc le calendrier des fêtes des trois religions monothéistes, depuis l’Epiphanie en janvier jusqu’au Noël suivant. Pour chacune des « grandes fêtes », la comédienne endosse le rôle d’un personnage différent (souvent la maîtresse de maison à ses fourneaux mais aussi un rabbin, une bigote catholique, une simple fidèle), raconte le sens de la fête,  en redonne le contexte historique et convoque l’étymologie pour mieux montrer qu’aucun des plats rituels n’est servi au hasard.

Le dispositif scénique est très simple : une grande table centrale qui fait office aussi bien de plan de travail que de grande tablée ; côté cour, une malle en osier qui servira de castelet aux différents ingrédients autorisés ou proscrits durant Pessah ; côté jardin, une autre table jonchée d’ingrédients et une cuisinière ; en fond de scène, un cyclo. Le tout est agrémenté d’un joli travail lumière et de musiques discrètement connotées religieusement.

Stéphanie Schwartzbrod est d’abord une excellente conteuse. Son verbe et sa gestuelle savent nous faire voyager. Son chant participe du dépaysement. L’érudition qu’elle porte sur scène n’empêche pas l’humour. Ainsi de cette scène où elle regarde, hypnotisée, le public en mangeant une galette de pain azyme comme si elle regardait vraiment  le péplum « des dix commandements » qu’elle nous offre en fait à voir sur le cyclo. Le régisseur son/lumière participe aussi de cette mise en abyme : son récurrent « et qu’est ce qu’on mange ? » rythme le spectacle et opère un  comique de répétition bien venu. Le public rit et, à la demande de la comédienne, participe régulièrement.  La fête de Pourim pousse au paroxysme ce principe puisqu’il est demandé au public d’en jouer le rituel, avec force crécelles et exclamations. C’est enfin un spectacle d’une grande tolérance qui sait mettre en exergue, très finement, les liens entre les trois monothéismes.

 

 

« Sacré, sucré, salé » est un très joli spectacle, complet dans sa forme, intelligent dans son écriture, sensible dans son jeu. Il en appelle à une forme de communion.  Le partage de la chorba en fin de spectacle en est l’expression concrète.

 

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