ROI DU SILENCE (création 2019)
13 juil. 2019Spectacle de la Cie La Gueule ouverte (69), vu le 11 juillet à 14 h 25 au théâtre des Barriques, dans le cadre d’Avignon OFF 2019. Du 5 au 28 juillet, sauf mardi
Auteur et mise en scène : Geoffrey Rouge-Carrassat
Comédien : Geoffrey Rouge-Carrassat
Création Lumière : Emma SCHLER
Genre : Théâtre
Public : Tout public à partir de 12 ans
Durée : 55 minutes
Dans « Conseil de Classe », Geoffrey Rouge Carrassat incarnait un professeur se laissant aller devant une classe vide à dire à ses élèves tout ce qu’il n’avait pas su ou pu leur dire… Dans « Roi du Silence », c’est un fils qui adresse la parole à l’urne funéraire qui contient les cendres de sa mère, pour rompre enfin le pacte de silence qu’il s’est imposé dans sa jeunesse.
La mise en scène est sobre, mais efficace. Une table de salle à manger en bois classique, sur laquelle sont posées une couronne mortuaire de fleurs blanches et une urne funéraire. Un fauteuil et sous la table un matelas avec oreiller. Geoffrey est dans la maison de sa mère, celle de son enfance. Un éclairage parcimonieux, mais suffisant pour évoquer cette sorte de veillée post crémation. Un environnement sonore limité à un jeu de batterie improvisé sur couvercles, comme pour annoncer le flot de paroles à venir…
Car la parole se libère, devant celle qui n’est plus que cendres : le fils peut enfin se mettre à nu, au propre comme au figuré, jusqu’à se glisser dans la peau de cette mère dans toute sa froide rigueur.
L’écriture, la mise en scène, le jeu, la capacité à utiliser son corps : Geoffrey Rouge Carrassat a bien des talents, malgré sa jeunesse. Le sentiment ressenti déjà la saison dernière d’avoir croisé le chemin d’une personnalité rare s’est confirmé aujourd’hui. Littéralement habité, s’appropriant tout l’espace tel un félin en chasse, Geoffrey porte pendant près d’une heure un auditoire fasciné. Il nous livre avec sincérité son histoire d’amour, ou plutôt ses histoires d’amour, celles inavouables, « hors normes », ressenties dès son jeune âge, mais aussi celle «ratée » peut-être, avec une mère qui l’a contraint d’une certaine manière au silence, par crainte de sa réaction. Mais peut-on imaginer qu’il se soit trompé, ou qu’il se soit puni simplement lui-même ?
Geoffrey Rouge-Carrassat nous offre un spectacle extrêmement touchant, mais ni misérabiliste ni compassionnel. Parfois même teinté d’humour, noir certes, mais on est amené à sourire, voire même à rire. C’est aussi cela que j’apprécie, cette propension à dire des choses lourdes de sens, difficiles à formuler, en donnant le sentiment qu’on a su malgré tout faire avec, aller de l’avant… Bref, que tout va bien... La vie, tout simplement !
Cathy de Toledo