Olympicorama
Olympicorama

 

 

Un spectacle produit par la Compagnie Vertical Detour (93 Montreuil) vu le 04 novembre 2019 à la Villette  (Paris XIX°)

 

Texte : Frédéric Ferrer

Comédiens : Frédéric Ferrer

Genre : Conférence gesticulée

Public : tout public

Durée : officiellement 1H30 (mais 2H ce soir)

 

 

J’ai découvert Frédéric Ferrer un peu par hasard dans l’excellent « borderline(s) investigation # 1 » (chroniqué). C’est donc tout naturellement que je me suis démenée pour voir ce nouvel opus ; démenée car « Olympicorama » est programmé sur 4 dates uniques dispatchées dans l’année.

 

« Olympicorama » se propose, dans l’optique des JO de 2024, de présenter une discipline olympique par spectacle. Il y aura donc 4 conférences par saison et ce jusqu’au début de l’évènement sportif. J’ai assisté à la dernière conférence de la seconde saison et qui portait sur la reine des épreuves : le 100 m. Forte de ma précédente expérience, je pensais entendre une satire en règle. J’ai découvert un sport et reçu une superbe leçon d’humanité.

 

Dans sa forme et son propos, « Olympicorama » est à la fois proche du précédent spectacle et totalement inédit. Le plateau est nu et cette fois, le restera. Il est juste habillé, à cour, d’un pupitre avec ordinateur, d’un écran en fond de scène et d’un coin interviewe à jardin. Frédéric Ferrer, est seul en scène pour 45 minutes chrono. Sonorisé, il se poste derrière le pupitre et entame sa conférence gesticulée. Il est docte tel l’ancien prof de géo qu’il a été : le plan est annoncé (mais aussitôt démenti), les termes sont définis de sorte que nous ayons tous, en jargon prof, « un socle commun de connaissances » et la géo ne peut s’empêcher de s’immiscer là où on ne l’attendait pas….Il est d’une érudition époustouflante et le powerpoint, omniprésent sous forme de diapos ou de retransmissions d’épreuves sportives, finit par nous prouver qu’il ne nous mène pas en bateau : ainsi le tir au cerf courant est bien une discipline olympique disparue ! Car Frédéric Ferrer sait, plus qu’aucun autre, accorder la rigueur scientifique et le rire. Ainsi, chacun sait que la vitesse de pointe d’un être humain, tout Usain Bolt qu’il soit, est toute relative par rapport au règne animal. La salle s’attendait à la sempiternelle comparaison avec le guépard. Mais quand en guise de félin un charmant minou roux apparait à l’écran, assurément victorieux d’Usain Bolt (44,72 km/h) avec ses 50 km/h, c’est l’éclat de rire généralisé. Et tout est l’avenant. De digressions en digressions loufoques, on comprend que rien n’est gratuit et qu’il s’agit pour Frédéric Ferrer tantôt de faire découvrir cette discipline admirable, tantôt de faire surgir l’envers du décor. Ainsi, Frédéric Ferrer entreprend de déconstruire les stéréotypes et si les jamaïcains sont les rois de cette épreuve, c’est au même titre que les Français en ce qui concerne la pétanque : tout est question de culture ! Frédéric Ferrer dénonce aussi à travers la figure emblématique d’Avery Brundage, à la tête du sport américain en 1936 puis président du CIO, l’assujettissement du sport au politique et aux considérations morales contestables. C’est à lui que l’on doit les certificats de féminité toujours en vigueur aujourd’hui. Le terrain est prêt pour la seconde partie !

La seconde partie est une conférence-débat avec des invités, experts de la discipline. Ce soir Frédéric Ferrer a convié Christine Aaron, championne du monde de relai et détentrice depuis 1998 du record d’Europe du 100m et Pierre-Jean Vazel, dernier entraîneur de Christine Aaron et inlassable détracteur des certificats de féminité et autres aberrations liées au genre. Nous ne sommes plus dans le spectacle mais dans un moment d’échanges authentique et de grande qualité.

 

Avec « Olympicorama », Frédéric Ferrer entreprend un véritable marathon théâtral. Le projet est inouï, le propos est d’une grande intelligence, la forme est drôle. Il va sans dire qu’à l’instar de plus de la moitié de la salle ce soir, je reviendrais, d’ici 2024, m’ouvrir à cet univers qui m’est pourtant totalement étranger, le sport.

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