Christophe Raynaud de Lage

Christophe Raynaud de Lage

L'Amour Vainqueur

Un spectacle produit par le Festival d'Avignon (84) et vu à la Fabrica le 29 novembre 2019.


Texte, mise en scène et musique Olivier Py
Comédien.ne.s : Clémentine Bourgoin, Pierre Lebon, Flannan Obé, Antoni Sykopoulos
Scénographie, costumes : Pierre-André Weitz
Lumière : Bertrand Killy
Genre : Théâtre, Opérette
Public : Jeune public, tous publics à partir de 9 ans
Durée : 1H20

 
Je suis un peu dubitatif en entrant dans la salle : j'attends d'un spectacle jeune public qu'il me fasse retomber en enfance, ou du moins qu'il permette plusieurs niveaux de lecture. Double pari tenu pour « l'Amour Vainqueur » : les rues résonneront longtemps de chansons et de débats après 1H20 de bonheur des yeux et des oreilles.

L'opérette se situe à la croisée du conte, de l'opéra et de la célébration ; il y a donc une histoire (le Prince et la Princesse veulent se retrouver mais la guerre fait obstacle à leur idylle), rehaussée de chansons (et Olivier Py possède un indéniable sens du rythme et de l'harmonie) qui mènent à la célébration de la victoire de l'amour. La force de la musique nous entraîne dans le sillage du festival et permet à la légèreté de s'affranchir de la naïveté en s'enrichissant sans cesse de puissance ; le grotesque joue des coudes avec le sublime et fraie un chemin au rire. En fond de scène un mur de lumières - l'une d'elle est rouge.
Histoire Drôle : personnages toujours extériorisés.

Pourquoi une seule diode rouge ? Pourquoi la guerre est-elle bénéfique à l'économie tandis que la politique hait le théâtre, qui lui-même surpasse la vie ? Pourquoi le Général abandonne-t-il sans combattre face à l'amour du Prince, alors même qu'il a tous les pouvoirs ? On voit que s'il y a fête ce n'est jamais aux dépens de la réflexion. La pièce fonctionne ainsi comme une grande métaphore rigoureusement conceptuelle - le Général incarne le Politique, la Princesse l'Amour et le Théâtre... - et ces concepts portent leur valeur. L'amour est déjà vainqueur. L'amour est vainqueur par nature, puisqu'il est du côté des gentils - et vice-versa. Le méchant aussi est méchant (et donc perdant) par nature. Comme si Olivier Py transportait son système habituel de pensée dans cette pièce - avec encore moins d'incarnation réaliste - pour former un théâtre presque idéologique. Le metteur en scène a déjà tout pensé à notre place, interrogations et réponses aux interrogations. C'est dangereux ? Trop facile et possible uniquement en rêve ? Après tout, ce n'est qu'une pièce pour enfants.

« Pour les enfants et les gens intelligents » précise Olivier Py, puisque les enfants « ne posent que de grandes questions » et que l'intelligence est toujours réconciliée avec sa dérision. Aux grandes questions répondent les grands aphorismes et les grands aphorismes savent qu'ils sont au théâtre. C'est bien la source du comique de la pièce : un décalage permanent entre l'évidence du ton et la complexité du propos, entre la lourde réalité de la guerre vécue par les personnages et la frivolité du jeu du théâtre. La Princesse est la gentille parce que c'est son rôle et parce qu'elle n'est qu'un rôle, de même que c'est le rôle de l'amour d'être vainqueur. De là vient sa pureté : elle n'est qu'amour, elle est sa parfaite incarnation (Clémentine Bourgoin est une merveilleuse actrice). Si cette pièce est magique et exaltante, c'est qu'elle propose un espace rêvé dans lequel les choses arrivent pour le mieux, où la pureté est possible et où le possible fait obéir le réel à l'espoir.

« L'Amour Vainqueur » est une merveilleuse parabole que l'ironie protège de l'idéologie ; il nous offre un théâtre pour apprendre à faire du possible un avenir. Allez-y les yeux fermés, Olivier Py s'occupe de vos sourires.


Mathieu Flamens


Lien vers la chronique plurielle et populaire rédigée autour du spectacle avec les enfants de l'école Massillargues :
http://vivantmag.over-blog.com/2019/12/l-amour-vainqueur.html


 

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