Les enfants, c'est moi
01 déc. 2020Un spectacle de la «Cie Tourneboulé» (59) vu au Théâtre Paris-Villette le 1 décembre 2020.
Mise en scène et écriture : Marie Levavasseur
Comédiens : Amélie Roman et Tim Fromont Placenti
Musique : Tim Fromont Placenti
Marionnette et objets : Julien Aillet
Genre : théâtre d’objets, marionnettes et clown
Public : Jeune public (à partir de 8 ans)
Durée : 1H
Depuis que mes filles sont grandes, je ne vois plus qu’exceptionnellement du théâtre jeune public. Mais par les temps qui courent, tout est bon à prendre ; en l’occurrence, « les enfants, c’est moi ». Plaisir inouï de retourner au théâtre mais le spectacle ne m’a pas convaincu.
Le théâtre Paris-Villette, établissement public de la Ville de Paris, se spécialise de plus en plus dans le jeune public, à entendre au sens large. Il vient de faire peau neuve et cette restauration n’était pas pour rien dans cette générale, exceptionnelle à plus d’un titres : l’émotion d’être tout simplement là et faire partie de la vingtaine de privilégiés (sur une jauge de 200 places) nous ont rappelé, s’il en était besoin, l’importance vitale du spectacle vivant.
« Les enfants, c’est moi » raconte l’histoire d’une femme-enfant qui devient mère et qui découvre les joies et les affres de la maternité. Le personnage principal, des plus fantasques, est un clown à la voix qui oscille entre voix d’enfant et voix de sorcière. Il évolue dans un univers de marionnettes et de théâtre d’objets très baroque. A cours, le pupitre musical (clavier, guitare, petites percussions, chant) de Tim Froment-Placenti. A jardin, de beaux arbres modulables en fer forgé. En avant scène, tout un peuple de poupées et d’objets miniatures qui vont servir au jeu et à la définition de différents espaces scéniques. En fond de scène, trois allemandes et un autel champêtre et suspendu, dédié à la Vierge, mère de toutes les mères. Des cintres tomberont aussi maints accessoires car notre jeune maman n’est pas encore sortie de la pensée magique.
La manipulation des objets et des marionnettes à tige, les changements de voix, les gobos, le jeu en général sont agréables à regarder. Il y a de très jolies images comme ce landau qui, tel un automate, se déplace seul, s’illumine de l’intérieur et fait entendre une comptine revisitée. Les clins d’œil au répertoire du conte sont légion. Et malheureusement, c’est là que le bât blesse.
A qui ce conte contemporain est-il destiné? Je ne suis pas sûre que les problématiques de la maternité palpitent les plus jeunes ? Leur montrer que les parents ont des limites, qu’ils sont parfois débordés au point de ne rêver qu’à un pot entre potes me semble tout à fait salutaire. Mais de là à faire de cette mère immature et « qui se sent nulle » une mère qui abandonne me semble infliger une insécurité psychologique inutile aux enfants. Bien sûr, Du « Petit Poucet » à « Hansel à Gretel », ce ne sont pas les histoires d’abandon qui manquent dans les contes. Sauf que le contexte historique était différent. Sauf que n’est pas qui veut les frères Grimm ou Andersen ! Que les enfants aient des ressources à toute épreuve, certes, mais contrairement à ce qui est chanté, ils ne sortent jamais indemnes des « familles en vrac ». Alors, ce conte s’adresserait-il aux adultes? En ce cas, on serait en droit de demander autre chose qu’une voix pseudo enfantine et une autre musique que des chansons à la Henri Dès.
« Les enfants, c’est moi » est un spectacle agréable visuellement. Mais son propos est d’autant plus ambigu que le synopsis n’annonce benoîtement qu’un « conte initiatique aussi drôle que grinçant pour réfléchir ensemble à la relation qui nous lie, parents et enfants ».
Catherine Wolff