Je suis une saucisse

Spectacle de la compagnie Les Semeurs (75), vu au Studio de la Scierie, le 23 juillet à 15 h 20, dans le cadre du Festival OFF d’Avignon du 7 au 31 juillet 2021.

 

Auteur et interprète : Isabelle Esposito

Genre : Théâtre contemporain

Type de public : Adulte

Durée : 50 minutes

 

Seule en scène, Isabelle Esposito incarne une saucisse Montbéliard voulant devenir knacki Herta, pour parler avec inventivité des diktats imposés aux corps des femmes.

C’est tout d’abord le titre qui m’a intrigué. Un spectacle qui parle des femmes en faisant une métaphore avec des saucisses, on ne voit pas ça tous les jours. Et pourtant, c’est une métaphore qui est ici très intéressante : la saucisse Montbéliard, qui est une belle saucisse parfumée (la meilleure si je puis ainsi donner mon avis) veut devenir une star, une actrice (après avoir vu le film Sausage Party, dans lequel elle admire l’actrice principale, une knacki). Pour ce faire, elle subit des opérations pour modifier son corps et le rendre « parfait » (elle n’a plus aucune forme, elle est plate, ses proportions sont égales partout) : elle devient ainsi « reproductible à l’infini ».

Dans cette société de saucisses, qui ressemble beaucoup à notre société d’humains, elle doit se considérer comme un objet pour être reconnu, et effacer tout ce qu’elle a de singulier et de beau. De saucisse de Montbéliard, « parfumée et chair », elle devient knacki Herta, « fade et plastifiée ». Ces propos que la métaphore nous révèle sont aussi appuyé par des références que j’ai découvertes avec plaisir. "Beauté fatale : Les nouveaux visages d’une aliénation féminine" de Mona Chollet, dont la saucisse nous lit des extraits, parle de l’emprisonnement du corps de la femme dans la sphère culturelle, et pourtant tout ce que dénonce Chollet la saucisse le fait.

Comme support de la parole, elle projette à côté d’elle des photos (parfois assez amusante, qui illustrent l’anecdote qu’elle est en train de raconter en montrant effectivement une saucisse avec un petit bonnet), des images de films ou des vidéos.

Le personnage, interprété par Isabelle Esposito, est attachant. Malgré quelques hésitations de la comédienne qui bute parfois sur les mots, on a envie d’écouter son histoire et rire sur ses anecdotes ou jeux de mots. Son costume, une robe à carreaux rouges et blancs, m’évoque peut-être une certaine marque de saucisson (mais était-ce voulu ou seulement une interprétation de ma part ?)

Ce spectacle dénonce avec humour la place du corps des femmes dans la société d’aujourd’hui, notamment des stars qui doivent entrer dans des cases normatives pour être appréciées du public ; c’est un sujet qu’il est important de révéler de nos jours, afin avoir une chance de libérer les femmes de ces normes et leur enlever leur position d’objet.

 

Juliette Lartillot-Auteuil

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