La Valse d'Icare
28 juil. 2021Spectacle de La compagnie Qui va piano (75) vu au Théâtre des Corps Saints, le 22 juillet 2021 à 16 h 30. Dans le cadre du Festival OFF d'Avignon du 7 au 31 juillet.
Interprète : Nicolas Devort
Mise en scène : Clotilde Daniault
Collaboration artistique : Stéphanie Marino et Sylvain Berdjane
Lumières : Philippe Sourdive
Genre : Seul en scène
Public : à partir de 10 ans
Durée : 1 h 15
Après avoir vu plusieurs spectacles de la Compagnie Qui va piano, – Molière dans tous ses éclats, Dans la peau de Cyrano, Le bois dont je suis fait – j’étais impatiente de retrouver Nicolas Devort dans son dernier spectacle, La Valse d'Icare, musicien à qui le succès fait perdre la tête, et dont la chute sera aussi rapide que l’ascension… On ne peut éviter de penser à un célèbre chanteur français qui a connu un tel parcours.
Icare arrive comme un fou à l’hôpital au chevet de Yann, son fils de cinq ans. Il est dans le coma après avoir avalé des médicaments malencontreusement restés à sa portée… Totalement désemparé, Icare ne sait comment être utile. L’infirmière lui suggère de rester simplement auprès de son enfant, et de lui parler, mais de quoi ? Il entreprend alors de lui raconter sa vie, car finalement, ils ne se connaissent pas tous les deux, Icare ayant été un père absent.
Seul en scène, vêtu de noir, avec pour seuls accessoires une chaise et une guitare, il remonte le fil de son histoire depuis son jeune âge, quand il rêvait d’être chanteur, alors que son père, passionné d’aviation et constamment plongé dans la fabrication de maquettes, le voyait aviateur. Ne l’a-t-il pas appelé Icare ?
Il incarne tour à tour une quinzaine de personnages qui ont jalonné sa vie. Sa jeunesse dans la sphère familiale, où la communication avec son père est difficile, puis tout son parcours professionnel. Les débuts difficiles avant de percer, les démêlées avec des agents plus ou moins bienveillants, la rencontre avec Iris, la maman de Yann. Puis le succès, de plus en plus envahissant, la pression, les abus, les produits qu’on prend pour tenir le rythme… Jusqu’à la chute, le départ d’Iris, les cures de désintox, l’accident qui lui fait perdre un tympan, la mort du père alors qu’il n’était pas à son chevet…
Tous les protagonistes prennent vie sous nos yeux, à travers le corps et la voix du comédien, ses mimiques, ses regards, sa gestuelle et ses déplacements, les accents qu’il prend, et avec l’assistance des bruitages et jeux de lumière. Nicolas Devort passe d’un personnage à l’autre avec fluidité, ce qui ne laisse pas d’étonner lorsque ses personnages échangent à 3 ou 4 « présents » sur scène en même temps… Comment fait-il pour ne pas SE perdre, et pour ne pas NOUS perdre ? Probablement parce que l’écriture est totalement maîtrisée !
Le comédien souhaitait chanter et jouer de la musique, raison pour laquelle il a choisi de raconter l’histoire d’un musicien, qui naturellement, interprète plusieurs chansons pendant le spectacle, en particulier la chanson de ses débuts « My name is Icare », et l’hommage à la naissance de son fils. Talentueux aussi dans ce domaine, on espère le retrouver dans ce registre élargi au cours d’un prochain spectacle.
En un peu plus d’une heure, Nicolas Devort dresse le portrait d’un homme en quête de la reconnaissance de son père, prêt à tout pour exister, réaliser son rêve, même à renier ses amis, son amour, ses idéaux. Et bien sûr, le portrait de tous ceux qu’il a côtoyés, qui ont compté pour lui, dont il s’est détourné à moment donné de sa vie, et qu’il regrette d’avoir blessés. Mais il a désormais ouvert les yeux et aura tout le temps de réparer ses erreurs.
Très beau spectacle, émouvant et drôle, à ne pas manquer.
Cathy de Toledo