Les fous ne sont plus ce qu'ils étaient
28 juil. 2021
Avec le soutien de la Fondation Raymond Devos
Textes de Raymond Devos
Adaptation originale : Elliot Jenicot et Laurence Fabre
Interprète : Elliot Jenicot
Lumière : Quentin Rigot
Costume : Corine Vervondel
Genre : seul en scène
Public : à partir de 7 ans
Durée : 1 h15
Elliot Jenicot, ancien pensionnaire de la Comédie-Française, rend ici hommage à son compatriote belge, le magicien des mots, que fut Raymond Devos. Il a lui-même suivi un parcours similaire en bien des points. D’abord artiste de rue, passé par la case music-hall, formé au clown et à la pantomime, il commence sa carrière en duo avec Olivier Taquin dans les années 80, avant d’entreprendre une carrière solo en 1992 sous le nom d’Elliot.
Plateau nu, habillé de pendillons noirs, un fauteuil crapaud, avec un petit coussin rouge. Sur le côté, accroché à un pendillon, une rose rouge. J’apprendrai plus tard qu’elle symbolise le début de carrière de Raymond Devos au cabaret La Rose Rouge à Paris.
Alors qu’apparaît Elliot Jenicot, on entend la chanson « Oui, je crois » de Mireille Matthieu. Surprenant ! L’homme annonce d’emblée « qu’il s’est fait tout seul, et qu’il s’est raté ! » C’est l’un des sketches les plus connus de Raymond Devos. Bien d’autres vont suivre, certains très connus, d’autres beaucoup moins. Certainement pas facile de faire un choix dans un répertoire de plus de 250 textes. Laurence Fabre précise dans sa note de mise en scène que les textes choisis l’ont été pour leur grande théâtralité. Ils composent les deux tiers du spectacle, les liaisons et adaptations étant le fruit de sa collaboration avec Elliot.
Le comédien qui se tient sous nos yeux fait beaucoup penser à Yves Montand en tour de chant, grand et mince, intégralement vêtu de noir, cheveux bruns coiffés en arrière. Il met à profit tout le vaste espace scénique pour nous offrir non une suite de sketches, mais un vrai spectacle, où l’écriture personnelle et les textes originaux de Devos s’enchaînent pour dérouler avec fluidité cette pièce en un acte, une histoire de vie, la sienne, émaillée de réussites et d’échecs, d’envies, de déceptions, de questionnements, de coups de folie… L’objectif de Laurence Fabre de « faire que la folie de Devos et celle de Jenicot ne soient plus qu’une » est parfaitement réussi.
Ce véritable show man exploite les innombrables facettes de son talent, comédien, mime, danseur, claquettiste et chanteur… L’attention du spectateur est constamment sollicitée, tant visuelle qu’auditive, il faut cependant rester concentré pour ne pas perdre une miette des facéties verbales, jeux de mots et absurdités, qui font le sel des textes du célèbre Devos. Heureusement Elliot de temps en temps, marque des pauses, guettant la réaction du public. Afin de vérifier que personne ne se perd en route !
Ovation debout pour cette prestation, aussi élégante que son talentueux interprète, pleine de nostalgie et de sensibilité, servie par une mise en scène sobre et précise. Une plongée dans les méandres de notre belle langue et tout ce qu’elle permet quand on sait l’approfondir et quand on sait la manier avec art.
Un regret cependant : 1 h 15, c’est finalement très court, enfin pour le spectateur ! Mais peut-être aurons-nous droit un jour à un deuxième opus, que l’impressionnante liste des sketches de Devos permet sans problème. Et j’ai plein de titres à proposer pêchés au hasard de cette liste, « Et vous demandez si ça va ? », « J'ai du printemps dans les doigts de pieds », « L'étrange comportement de mes plantes » … Déjà tout un programme !
Cathy de Toledo