Rabudôru, poupée d'amour
28 juil. 2021Spectacle de la Compagnie La Cité Théâtre (14), vu au théâtre des Halles à 14 h. Dans le cadre du Festival OFF d'Avignon du 7 au 31 juillet.
Interprétation : Alexandre Chatelin, Laura Deforgue, Didier de Neck et David Joncquieres
Mise en scène : Olivier Lopez
Public : à partir de 12 ans
Genre : théâtre contemporain
Durée : 1 h 30
Rabudôru est le nom de la femme qui succède à Lysistrata : cette dernière chez Aristophane ne fait plus l'amour à son mari, il faut bien lui trouver un substitut. Rabudôru ne se révolte pas, ne se refuse jamais, et conservera toujours les traits sublimes et plastiques de sa jeunesse.
Rabudôru est une poupée d'amour. Si elle ne vient pas remplacer Nora, elle est directement fabriquée dans l'usine au sein de laquelle elle travaille. Elle était sortie de sa maison de poupée depuis Ibsen, la voilà qu'elle y retourne. Mais Nora ne peut accepter la représentation de femme-objet véhiculée par la poupée alors elle saisit dès la première scène le mégaphone, revêt un "chapeau bite" et organise un véritable mouvement de révolte qui porte alors préjudice à cette entreprise au sein de laquelle son mari travaille aussi. Alors que le couple était parfaitement heureux et harmonieux, Thierry abandonne ses valeurs et condamne la lutte dans l'espoir d'augmenter son salaire et leur bonheur mutuel, Nora ne le reconnaît plus, on voit ses yeux agrandis par la vidéo projetée en fond, pâlir, se perdre, jusqu'à pleurer.
Il faut donner du sens à ces poupées d'amour, ces poupées sexuelles, alors Thierry décide d'en offrir une à son père malade pour mettre en lumière un potentiel effet thérapeutique. Pareil au vieil Eguchi des Belles endormies (Kawabata) le vieil homme atteint d'Alzheimer fait la rencontre de ses souvenirs enfouis, renoue avec sa langue maternelle, cesse de compter opiniâtrement cette cinquantaine de fourchettes et retrouve son sourire. Alors comment se positionner ? On dit oui ou non à la poupée qui dit oui ? De la même manière que la scénographie n'évolue pas - avec ses néons stricts et immobiles, ses deux caméramans, sa table - l'alternative n'est pas résolue. On préfère noyer le poisson en allongeant les scènes, en ajoutant quelques digressions et un concert de rock mené par le médecin chargé de diriger l'enquête sur la poupée, Madeleine. Est-ce son pouvoir de séduction et de mise à nu qui a causé cette conversion soudaine vers la musique ? Ce qui est certain, c'est que Madeleine, incarnation plastique des proportions du nombre d'or, beauté rousse et dérangeante, ne laisse pas indifférent, même si son visage, indifférent, il l'est.
Célia Jaillet