Crédit : Vincent Bérenger

Crédit : Vincent Bérenger

Une goutte d'eau dans un nuage

Spectacle de la Compagnie Microscopique (83), vu au Théâtre Transversal à Avignon le 15 juillet 2021 à 19 h 15. Dans le cadre du Festival OFF d'Avignon du 7 au 31 juillet.

Autrice, metteuse en scène, interprète :
Éloïse Mercier

Accompagnement musical : Vincent Bérenger

Genre : Théâtre

Public : à partir de 12 ans

Durée : 1 h 10

Saïgon. C'est comme un murmure, Saïgon, c'est comme un écho, dont on découvre soudain qu'il était déjà là. Je ne suis jamais allé à Saïgon. Je ne savais pas que cette ville habitait ma mémoire. Avec son autre voix, son autre corps, son autre expérience, Eloïse Mercier parle la langue des souvenirs qui nous sont propres et qu'on ne partagera pas.

Saïgon. Ce n'est pas un récit de vacances, car pour écrire un récit de vacances, il faut en être revenu tandis qu'elle, elle s'y trouve encore. Lost in translation, en décalage horaire, perdue dans les frontières, imprégnée des lieux, plongée dans ses souvenirs qui eux-mêmes se confondent, tentant de raconter en séparant les chapitres, les lieux, les personnages. Mais la langue colle au palais. La chaleur humide que partage la salle avignonnaise avec les terres vietnamiennes rend l'atmosphère organique, corporelle. Le monde devient le corps, le corps devient le monde. Intérieur, extérieur, passé, présent, réalité et fiction, goutte d'eau et nuage, salle de théâtre et Viêtnam, tout a le même goût de lèvres dans la torpeur, et tout se savoure. Elle déglutit et goûte encore à ses propres sensations sans mélancolie. Avec langueur, peut-être. Avec un harassement soudain, parfois, parce qu'il y a trop de sensations, de confusions,  L'air est ailleurs, l'air est plus tard, il n'est pas dans la salle.

Pardon. J'ai somnolé quelques instants. C'est étrange, j'ai eu la sensation de n'être pas ailleurs, d'être précisément au même endroit qu'elle, de la rejoindre. Au plateau, un tourne-disque et des néons en forme de flamants roses. Un téléviseur. Beaucoup d'obscurité. Des enregistrements d'Indiana de Duras, dont on sent constamment l'influence. Autant d'éléments qui sont les miroitements échappés de nos songes communs. Un poisson rouge trop élégant dans un bocal trop exigu dont elle contemple la ronde, hypnotisée, plongée dans ses visions, bientôt plongée toute entière dans un lac, dans le téléviseur, en silence, fondue dans un mouvement calme entre nage et dérive.

Une goutte d'eau dans un nuage, ivre et délicate, reprenant doucement son souffle le temps de s'évaporer contre nos pommettes.

Mathieu Flamens

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