65 Miles
03 août 2021Spectacle de la compagnie Paradoxes (25) vu au théâtre Girasole, le 23 juillet 2021 à 15.50 h, dans le cadre du Festival OFF d'Avignon, du 7 au 31 juillet sauf lundi
Auteur Matt Hartley
Mise en scène : Paméla Ravassard
Traduction : Séverine Magois
Interprètes : Emilie Aubertot, Karina Beuthe Orr, Sébastien Desjours, Stefan Godin, Garlan Le Martelot, Benjamin Penamaria, Emilie Piponnier.
Scénographie : Benjamin Porée
Lumières, assistant m.e.s. : Cyril Manetta
Scénographie : Benjamin Porée
Costumes : Hanna Sjödin
Musique : AkorplakX
Collaboration : Henri Dalem
Genre théâtre contemporain
Public tout public à partir de 12 ans
Durée 1.35 h
Appréciation coup de coeur
La présentation du spectacle fait référence à Ken Loach pour définir l’écriture de Matt Hartley… Ce qui a éveillé ma curiosité, car j’aime beaucoup ce genre de cinéma réaliste qui met en scène une certaine misère sociale, mais qui n’est cependant jamais exempt d’humour « so british » ! Je clôture donc mon séjour au Festival Off, en allant voir cette histoire de deux frères, Pete et Rich, que tout semble opposer. L’aîné sort de prison et souhaite retrouver sa fille de 15 ans qu’il ne connaît pas. Le cadet veut comprendre pourquoi il a tellement peur de devenir père…
Le plateau est éclairé par des rangs de néon posés au sol et accrochés aux cintres. Lumières blanchâtres, crues, qui délimitent au centre un espace sombre. Musique rock, ça démarre fort. Rich installé dans un fauteuil est absorbé dans un jeu vidéo. A la porte apparaît Pete. Après presque 10 ans d’incarcération, il regagne la maison familiale, désormais occupée par Rich, leur mère étant partie vivre ailleurs. La reprise de contact est difficile, la rancœur toujours présente. Le crime n’est pas pardonné et Pete reste un paria…
Obsédé par sa volonté de retrouver sa fille, et pour obtenir des informations, Pete tente de renouer le contact avec Franck leur beau-père, qu’il n’a jamais accepté et qui a pourtant fait de son mieux pour s’occuper de leur famille après que le père violent les ait abandonnés. Il est désormais séparé de la mère, et on comprend que Pete n’est pas tout à fait étranger à cette rupture… L’accueil n’est pas cordial et Franck lui suggère de laisser sa fille tranquille… Parallèlement, Rich souhaite renouer avec sa petite amie, Lucy, qu’il regrette d’avoir abandonnée alors qu’elle était enceinte, et qui a avorté. Il essaye de plaider sa cause auprès de la mère de Lucy, mais il se montre violent à son encontre. Lucy finira cependant par accepter de le revoir… Mais plus tard, peut-être.
A force de persévérance Pete finit par savoir où se trouve sa fille. Il parcourt les 65 miles qui séparent Hull de Sheffield, où Jenny vit désormais chez ses grands parents qui l’ont adoptée. Le grand-père lui livre des informations rassurantes, et il comprend que pour le bien de son enfant, il faut qu’il accepte de s’effacer …
Cette sombre histoire met en scène des êtres que l’on sent en proie à une sourde colère. Ils connaissent des conditions de vie difficiles, et semblent malgré eux reproduire les schémas familiaux où la violence est dominante, et l’incapacité à exprimer des sentiments positifs flagrante. Le problème de la filiation et du déterminisme est ainsi clairement évoqué. Est il possible d’échapper à cette spirale ?
La mise en scène de Pamela Ravassard, qui m’a d’abord surprise, s’avère finalement précise et recherchée. Elle souligne l’intensité dramatique palpable en permanence, au moyen d’éclairages blancs et froids, assortis d’un accompagnement musical rythmé savamment choisi. Des projections de « zebras » lumineux, qui se reflètent sur des paravents noirs réfléchissants mobiles - déplacés à vue lors du changement de scène – accentuent l’ambiance électrique. Comme dans un triste ballet, les personnages se croisent, se cherchent, s’affrontent, tentent de communiquer, dans cet espace en demi-teinte, incarnés par sept comédiens talentueux et très inspirés, qui rendent attachants ces êtres déchirés qui font ce qu’ils peuvent pour se sortir sans trop de casse de leurs difficultés
La puissance émotionnelle que se dégage du spectacle est telle que pendant 1 h 30 on n’entend aucun bruit dans le théâtre, tant le public est concentré. Conquis, il offre à la troupe un ovation debout à la fin de la représentation.