Guérillères ordinaires
17 août 2021Spectacle de la compagnie Les Grisettes(34) vu à l’Artéphile lors du festival d’Avignon OFF, entre le 7 et le 30 juillet 2021, à 16h10
Texte : Magali Mougel
Mise en scène : Anna Zamore
Interprètes : Frédérique Dufour, Evelyne Torroglosa, Lou Heyman
Genre : Théâtre contemporain
Public : A partir de 15 ans
Durée : 1H30
Trois femmes éclairées par de minces filets lumineux prennent la parole chacune à leur tour pour témoigner d’une condition quotidienne d’oppression.
La première, Lilith, se révolte contre ce mari qui « perfore un mur / creuse un mur / l’abat comme une vitre / il y a de la poussière » sans lui demander son avis, et démoli ainsi sa chambre, sa « petite chambre / petit abri / coffre-fort / cave » où elle gardait ses secrets. La colère monte peu à peu, déborde, il faut une vengeance, mettre à feu et à sang, Lilith s’occupe du feu, Léda, la seconde femme, le sourire en bannière, s’occupera du sang.
Le physique de cette hôtesse d’accueil ne correspondrait plus aux exigences du marché ; après une crise d’anorexie, elle reprendra la maîtrise de son corps en détruisant celui qui l’a tant fait souffrir. Ces deux femmes victimes du patriarcat mettent fin à leur assujettissement en se révoltant ; comme les hommes ne veulent pas mourir tout seuls il faut bien les tuer. Ce cycle de la violence, de la vengeance, du meurtre, est rompu par la dernière demoiselle qui choisit de se débarrasser du lot d’interdictions homophobes de son père en faisant, dans un ultime monologue, l’amour au cadavre de la jeune femme dont elle a toujours été amoureuse.
C’est un peu délicat sans doute de critiquer un spectacle traitant d’un sujet aussi important et qui devrait être abordé encore plus qu’il ne l’est déjà. Mais si j’ai trouvé le texte beau et poétique et le jeu des trois comédiennes d’une grande puissance ; si la présence de toutes ces autres femmes sur le plateau avait beaucoup de sens, puisqu’elles sont beaucoup plus que trois à se taire, à souffrir et à mourir ; même si c’était bien de les entendre parler jusqu’à tuer, et puis de leur pardonner, je crois que malgré tout j’ai trouvé ça un peu trop long et lent, trop attendu ou trop sérieux, trop grave pour qu’on ait la place de trouver ça grave. J’aurais aimé en tant que femme me sentir un peu plus concernée, qu’on me parle de plus près, qu’on me crie de plus près pour ne pas me laisser dormir entre les gouttes qui ne m’ont pas mouillées.
Célia Jaillet