Requiem pour Pessoa

Spectacle de la compagnie Ars Poetica (34) vu au théâtre de la Carreterie lors du festival d’Avignon OFF, entre le 7 et le 30 juillet 2021, à 16h20

Auteur : Fernado Pessoa

Metteur en scène : Benjamin Perez

Interprètes : Benjamin Perez, Theodora Carla

Genre : spectacle poétique et musical

Public : tout public

Durée : 1 h

“Nous vivons tous, ici-bas, à bord d’un navire parti d’un port que nous ne connaissons pas, et voguant vers un autre port que nous ignorons. Nous devons avoir les uns envers les autres une amabilité de voyage.” Fernando Pessoa

Il arrive à Lisbonne, c’est la première fois qu’il rencontre cette ville et les parfums qui s’y respirent, il déambule dans les rues, mime les trajets qu’il fait en tramway, s’installe au bureau d’un petit hôtel. Mais qui ça ? Pessoa ? Non, un voyageur, rien qu’un voyageur, grand, une barbe fine, des petites lunettes, il ressemble quand même beaucoup à Pessoa… Mais non, non, un voyageur ne doit rien chercher, rien chercher de particulier pour trouver quelque chose, quelque chose d’autre, d’introuvable, d’inespéré. Un violon fait son apparition entre deux considérations poétiques, la langue portugaise s’entremêle au français qui nous est si familier, et peu à peu, les deux comédiens immobiles sur les planches anciennes de ce théâtre exigu nous emmènent autre part, avec eux.

Avec eux ? Avec Pessoa aussi ? Mais oui, bien-sûr que c’est un spectacle sur Pessoa, bien-sûr que le voyageur ne poursuit pas son seul voyage mais bien quelqu’un. C’est juste que je ne voulais pas le dire trop vite, ce nom de Pessoa qui veut dire “personne”, ce nom qui ne se cache même pas mais qu’on peine à trouver, Pessoa est par-ci, par-là, omniprésent sur les étagères de la bibliothèque à Cour, et sur les traits portugais du comédien et dans sa bouche époustouflée.

On rencontre ce qui entoure le poète, sa mère, ses livres, mais aussi ce qui fait que le poète est poète, ses mots. Ses poèmes sont récités par cœur, les yeux comme fermés, alors on peut fermer les yeux, le violon nous berce tendrement ou nous réveille en augmentant le tempo, le voyageur souffle dans nos cheveux les rêveries couchées en phrases de ce frère lui aussi égaré, lunatique, phrases dont les échos parlent aux déambulations qui nous promènent. On voyage dans Pessoa, et pourtant comme pour Lisbonne, à part quelques détails, quelques sons, quelques danses, tout nous reste profondément étranger... De toute façon, même lorsqu’on est pays, ville ou Pessoa, on n’en finit jamais d’essayer de se trouver, de se connaître. “Je ne change pas, je me visite moi-même, comme un pays perpétuellement inconnu.”

En compagnie de ces deux artistes, vous voyagerez, pas d’un point à un autre mais d’ici à là-bas, et lorsque vous reviendrez de là-bas votre ici ne vous dira plus rien. Il faudra s'avancer un peu pour l'écouter.

 

Célia Jaillet

Retour à l'accueil