Le Cabaret des absents
15 déc. 2021
Un spectacle produit par la compagnie L'entreprise - François Cervantès (13) vu le 29 juillet 2021 au 11 à Avignon dans le cadre du festival OFF d'Avignon (84).
Texte et mise en scène : François Cervantès
Interprètes : Théo Chédeville, Louise Chevillotte, Emmanuel Dariès, Catherine Germain, Sipan Mouradian, Sélim Zahrani
Création son et régie générale : Xavier Brousse
Création lumière : Christian Pinaud
Genre : théâtre
Public : adulte à partir de 12 ans
Durée : 1H45
On peut jouer pour celles et ceux qui sont là, ou bien on peut jouer pour tous les autres, qui sont généralement bien plus nombreux. En l'honneur des absents, la compagnie L'entreprise donne ce soir un cabaret.
« On ne va pas vous raconter une histoire. Y a des centaines de personnages, mais y a aucune histoire ». Pourtant la pièce est bien issue d'un fait réel : le théâtre du gymnase fut sauvé de la faillite par un riche milliardaire américain qui avait été conçu en son sein, un jour où ses parents y avaient trouvé refuge. François Cervantès fait alors le rêve d'un théâtre toujours ouvert, toujours en jeu, parfois désert et donc propre à accueillir les égarés. Sur son plateau pourraient se côtoyer clowns lubriques, magiciens poétiques et divas distinguées.
Jouer tous les jours, jouer devant personne, jouer pour des absents. Si c'est le quotidien de nombreuses compagnies dans le off, la cie L'entreprise sait remplir ses salles. Le clown Arletti n'y est pas pour rien : ce petit ange monstrueux pense avec son sexe et joue avec son coeur. Si délicieusement ambigu qu'on ne s'en lasse pas, même quand le passage est assez long pour qu'on soit tenté de renommer le spectacle « Le cabaret d'Arletti ». On en sort donc avec l'impression étrange que le spectacle a cherché à combler ses faiblesses de jeu et d'intrigue par la valeur sûre du clown. Cette histoire de milliardaire providentiel est déjà théâtrale en elle-même, trop peut-être pour laisser François Cervantès s'emparer d'elle.
Il y a tout de même une tentative intéressante de penser un théâtre de la ville, en son cœur, qui la contienne et la reflète comme un lieu d'invention et de renouvellement, mais aussi d'arrachement : on y rencontrerait les apatrides, véritables citadins du XXIe. Cela ne tient pas vraiment du discours politique, ni d'une vision poétique, cela ne tient pas vraiment du cabaret ni du théâtre d'histoire, cela ne tient pas vraiment debout.
Au moment où j'allais rester sur ma fin (le salut), toute l'équipe du 11 est venue saluer au plateau pour la représentation qui clôturait le festival. Cette fois-ci point d'absent, car personne ne manquait à l'appel, surtout ceux qu'on aimerait féliciter plus souvent : les équipes techniques et administratives, les agent.es d'accueil et de billetterie... J'aime autant croire que ce Cabaret était un peu pour eux, et pas vraiment pour moi.
Mathieu Flamens