Crédit : Barbara Buchmann

Crédit : Barbara Buchmann

Sosies

Un spectacle produit par le théâtre des Halles, vu le 10 juillet 2021 au Théâtre des Halles dans le cadre du festival OFF d'Avignon (84). 

 

Texte : Rémi Devos

Mise en scène :  Alain Timár

Interprètes : John Arnold, Victoire Goupil, Xavier Guelfi, Christine Pignet, David Sighicelli

Lumière et musique originale : Richard Rozenbaum

Genre : théâtre

Public : à partir de 14 ans

Durée : 1h30

 

Un fait divers, divertissant de fait : en 2013, dans les Vosges, un sosie de Gainsbourg manque d'assassiner un sosie de Johnny Hallyday pour une histoire de pelouse. Sur une commande d'Alain Timar, Rémi de Vos se saisit de l'événement pour en faire une farce psycho-sociale sur fond de discours identitaire.

Sosies rassemble les pros de la pâle imitation : mauvais Guinz, Johnny d'outre-tombe, carcasses branlantes se raccrochant à des mythes qui n'existent plus et qu'ils n'ont jamais incarnés. Qu'est-ce qu'une icône sinon quelqu'un d'inimitable ? Qu'est-ce qu'un raté, sinon quelqu'un qui s'entête à essayer ? Le sosie n'hérite pas de la gloire de l'icône, mais de sa date de péremption : depuis trente ans, ce Guinz n'a plus la côte. À ce titre, la pièce s'accorde bien à son propos : le pseudo dénuement du plateau, les costumes fanfreluches et bigoudis, le rire vaudevillesque sur fond de méta-théâtralité... Alain Timar choisit une esthétique passée de mode depuis quelques dizaines d'années. À part la poussière, rien de nouveau sous le soleil.

Cette poussière se dépose sur les acteurs comme un linceul en macramé fuchsia. C'est absolument kitsch, donc absolument franc : ici tout se crie, rien ne se pense. Jean-Jean s'égosille, en même temps qu'il vient d'apprendre qu'il a été adopté - "Quoiii ?!" - qu'il s'appelle en fait Rachid - "Quoiii ?!" - que son père adoptif est homosexuel - "Quoiii ?!" - et j'en passe et des moins bonnes. De la tragédie familiale low cost, on passe doucement à des questions plus fondamentales : comment on est beau, quand on est pour de faux ? Comment on est fier, quand on n'est pas du tout ? On danse tout de même, on prend la pose, on se maintient. On se glisse sous un projecteur de discothèque de village, la tête encadrée par les lignes d'ampoules des loges. On se tricote un renoncement. On tue son voisin pour se faire une place dans le journal. Il y a les jeunes, aussi, et leurs yeux légèrement plus écarquillés, résolus à ce qu'on ne chiffonne pas leur coeur essuie-tout. Il leur reste à apprendre à rêver mieux que leurs parents.


Si vous non plus vous n'avez jamais rencontré personne qui vous ressemblait, si vous aussi vous avez toujours échoué à ressembler à vos modèles, rassurez-vous : au théâtre, vos sosies vous attendent.

 

Mathieu Flamens

 

 

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