Le jeu du président
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Spectacle de la Compagnie Le Chêne Noir (84), vu au Chêne Noir à Avignon (84), le dimanche 19 décembre 2021 à 16h.
Auteur : Julien Gelas
Mise en scène : Gérard Gelas
Comédiens : Alain Leempoel, Didier Brice, Andréa Brusque, David Talbot, Emmanuel Lemire, François brett
Genre : Théâtre
Durée : 1h50
Une farce politique, provocante et actuelle, que je souhaitais découvrir pour sa création sur le beau plateau du Chêne noir, où le public était présent aux deux tiers pour cette matinée dominicale ensoleillée.
Nous voilà au cœur du pouvoir, dans le bureau du président de la
République où l’on découvre dans un décor très théâtral, les échanges entre ce dernier et son premier conseiller sur la façon de gouverner le pays et donc le peuple. Seul ou en écoutant les autres ? Sérieusement ou en jouant ?
Un brin Vaudeville tant ces situations sont improbables, nous apprenons rapidement que la fille du conseiller, Éléonore, sous le pseudo de Miss Balaize est l’une des figures contestatrices les plus radicales du président à travers ses publications en ligne. De plus elle est « pilotée » en sous main par son père, lui même opposant au président, et personne ne doit le savoir…
Et bien sur le président l’apprend et pour cela engage la fille au sein de son cabinet avec un deal : si elle change d’avis sur le président après quelques mois, elle détruit son site et son million de followers. Sinon, elle continuera…
Eléonore apporte un vent de fraîcheur dans le monde bien pensant et patriarcal des hommes du pouvoir, mais on voit bien qu’elle bascule doucement, fait évoluer son jugement et se laisse séduire par les attributs du pouvoir. C’est effectivement l'un des risques du pouvoir.
Nous partagerons ainsi les arcanes de la manipulation politique, les charmes de la corruption et du chantage, les méandres du pouvoir et de l’entre-soi. Les comédiens, notamment Alain Leempoel aux faux airs de Macron, sont tous formidables et portent avec crédibilité leurs personnages, même dans les situations les plus scabreuses (celle entre les deux conseillers restera dans les anales ;-) .
Ils nous distillent de nombreuses pépites macronistes (« ceux qui ne sont rien », « traverser la rue pour trouver du travail »,...) font référence aux gilets jaunes, et encore plus prêt de nous, nous rappellent les incohérences des annonces du gouvernement en début de pandémie. Et même au théâtre, cela reste largement en dessous de la réalité !
J’y ai trouvé quelques longueurs- au-delà des longs changements de plateaux qui apportent une respiration à des scènes très denses- et la fin, un peu cousue de fil blanc, était attendue.
Mais il reste un beau plaidoyer sur la place du président et son hyper pouvoir au sein de l’organisation de l’Etat, ouvrant la porte à toutes les manipulations et décisions unilatérales possibles.
J’ai même entendu un spectateur à la fin du spectacle dire « c’est un peu du Molière ». Un peu exagéré, même en cette année de commémoration, mais une proposition un peu piquante et actuelle... on ne va pas bouder son plaisir.
Eric Jalabert